Le député Vert François de Rugy a interpellé le gouvernement, sur l'énergie éolienne et les mesures restrictives préconisées par une récente mission parlementaire. C’était le 28 avril lors de la séance des questions orales à l’Assemblée nationale.
Nous publions sa question et la réponse de la secrétaire d’Etat, ainsi que quelques réponses aux questions que vous vous posez peut-être sur les éoliennes.
Pierre Mathon
Voici la question posée par François de Rugy :
« Madame la secrétaire d'État, la France a souscrit aux objectifs européens de développement des énergies renouvelables, mais contrairement à d'autres pays membres de l'Union européenne, notre pays accumule un grand retard dans le développement des énergies renouvelables, éolienne et solaire notamment.
Contrairement à une idée largement véhiculée par les promoteurs du nucléaire, l'énergie nucléaire n'est ni propre ni renouvelable, du fait des déchets radioactifs et des ressources limitées en combustible issues de l'uranium.
Pour combler ce retard et atteindre les objectifs de l'Union européenne en matière de développement des énergies renouvelables, objectifs conformes à toute politique de développement durable de l'énergie, la France doit accélérer l'installation de moyens de production d'énergie renouvelable, notamment éolienne.
L'adoption d'un tarif de rachat garanti a permis de donner à ce secteur une visibilité économique suffisamment importante pour faire émerger des projets privés. En revanche, le contexte réglementaire, toujours plus restrictif, ainsi que l'attitude des représentants de l'État dans les départements, également très restrictive, retardent ou empêchent la réalisation de nombreux projets. Si la France veut sincèrement atteindre les objectifs qu'elle s'est elle-même fixés dans le cadre de la loi de mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, dite loi Grenelle I, elle doit clarifier et simplifier la législation pour alléger les contraintes réglementaires qui entravent le développement de l'énergie éolienne en France.
Cela est d'autant plus nécessaire que l'éolien constitue une ressource inépuisable et que les installations éoliennes sont particulièrement durables. Elles ne génèrent par ailleurs aucune des nuisances engendrées par les autres modes de production, qu'ils soient hydraulique, thermique ou nucléaire : l'empreinte écologique est très faible au sol, il n'y a aucun déchet radioactif, aucune émission de CO2, aucune pollution de l'air.
Une mission parlementaire de notre assemblée vient de rendre un rapport sur la législation concernant l'installation des éoliennes. Ce rapport est tellement contesté que l'un des co-rapporteurs, M. Philippe Plisson, député de Gironde, a démissionné pour ne pas en cautionner les conclusions, toutes hostiles au développement de l'énergie éolienne en France.
Malheureusement, lors de l'examen en commission de la loi dite Grenelle II, des amendements déposés par des membres du groupe UMP de notre assemblée reprennent certaines conclusions de ce rapport : application aux éoliennes de la réglementation des installations classées au titre de la protection de l'environnement ; obligation d'un nombre minimum de mâts porte-éolienne pour chaque projet ; création d'un nouveau schéma, le schéma régional éolien, établi par le préfet, et auquel les zones de développement éolien créées par la loi de 2005 devront se soumettre ; obligations financières spécifiques pour le démantèlement des éoliennes, ce qui est un comble...
Je voudrais donc savoir quelle position défendra le Gouvernement pendant la discussion de ce projet de loi Grenelle II à l'Assemblée, qui commence la semaine prochaine. »
Réponse de Mme Valérie Létard, secrétaire d'État auprès du ministre de l'écologie :
« Comme vous l’avez rappelé, Monsieur François de Rugy, les modalités de développement de l’énergie éolienne font actuellement l’objet de débats dans le cadre de l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit Grenelle II. Le Parlement a donné des orientations précises en votant la loi Grenelle I, adoptée à la quasi-unanimité par les deux assemblées.
Il s’agit d’améliorer la planification territoriale du développement de l’énergie éolienne et de favoriser la construction de parcs éoliens de taille plus importante qu’actuellement dans des zones préalablement identifiées. Compte tenu de l’accroissement prévisible de la taille des parcs éoliens, il est également nécessaire d’améliorer le processus de concertation locale et l’encadrement réglementaire.
Pour atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement, c’est-à-dire passer de 2 000 à 8 000 éoliennes à l’horizon de 2020, il est impératif de disposer d’un cadre juridique solide, car nous constatons malheureusement dans de trop nombreux cas aujourd’hui que le flou juridique et le manque de concertation entraînent un rejet de l’éolien par les populations locales et donc freinent son développement.
Vous soutenez qu’il faut déréglementer l’éolien pour favoriser son développement. Permettez-moi de vous dire que je ne partage pas ce point de vue libéral. Il convient au contraire non seulement de planifier le développement de l’éolien, mais aussi de le réglementer, pour gagner la confiance et l’adhésion de nos concitoyens.
La mission d’information parlementaire présidée par Patrick Ollier a formulé des recommandations qui ont été adoptées par les commissions des affaires économiques et du développement durable. Vous aurez l’occasion d’en débattre dès la semaine prochaine avec l’examen du projet de loi Grenelle II, qui nous donnera l’occasion d’échanger, de continuer à améliorer notre législation sur ces questions et de répondre dans le détail aux interrogations que vous venez d’évoquer. »
Lors des questions orales sans débat, les députés ont la possibilité de conclure en répondant aux arguments avancés. Voici la conclusion de François de Rugy :
« Quelques minutes avant moi, un collègue a posé une question sur les pylônes dans la Manche, la Mayenne et dans tout l’Ouest à cause de la centrale nucléaire de Flamanville.
Je considère que les nuisances des pylônes sont bien supérieures à celles des éoliennes, et je préférerais remplacer les pylônes des lignes à très haute tension par des éoliennes.
Je crois, madame la secrétaire d’État, que vous confondez cadre juridique solide et contraintes, entraves supplémentaires. Les projets dont je parle, entravés par les autorités de l’État, sont soutenus par les élus locaux et acceptés par les populations des territoires concernés.
À une époque, vous et vos amis disiez qu’il fallait libérer les énergies dans l’économie ; commencez donc par libérer les énergies renouvelables ! »
Nous reproduisons ci-dessous un argumentaire de 2008 qui répond à quelques questions qui peuvent se poser au sujet de l’énergie éolienne :
« L'ESTHETIQUE
L'impact de ces grands ouvrages, dont les plus grands approchent les 100 mètres de hauteur sur terre et 150 mètres en mer, pales comprises, est indéniable.
Malgré tout, la notion de paysage est liée à notre culture, notre éducation, nos expériences visuelles et notre relation d'usage avec le territoire considéré. Là où certains verront une intrusion, d’autres verront un élément susceptible de caractériser voire de valoriser un site. Au-delà des multiples perceptions individuelles, un paysage n’est jamais quelque chose de figé. En particulier, depuis le milieu du XXème siècle, où nous avons multiplié les ouvrages : plus de 100 000 km de lignes électriques à haute tension et leurs pylônes, 5 000 à 10 000 émetteurs pour la téléphonie, plusieurs milliers de châteaux d'eau, 8 000 km d'autoroutes, de nombreux silos à grains de plus de 80 m de haut et le viaduc de Millau, haut de 343 m, qui nous montre toute la subjectivité de la question !
De surcroît, de nombreuses études menées au Danemark, au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux Pays-Bas ont révélé que les personnes vivant à proximité d'éoliennes sont généralement plus favorables à leur égard que les autres.
LES NUISANCES SONORES
La technologie progresse vite et ce problème initial n'en n'est plus un avec les générations actuelles d'éoliennes. Grâce à l'augmentation de leur taille, on assiste à un ralentissement de la rotation des pales : de l'ordre de 15 tours/min avec une vitesse maintenue constante. Actuellement, au pied d'une éolienne, le niveau sonore est équivalent à celui de l'intérieur d'une voiture.
L'ASPECT ORNITHOLOGIQUE
La mortalité aviaire liée aux éoliennes est sans commune mesure avec celle liée à la circulation routière, aux lignes électriques, aux baies vitrées, à la chasse, aux pesticides et insecticides, aux marées noires ou à la disparition des milieux favorables aux oiseaux dont le réchauffement climatique est à présent la cause principale.
LE RISQUE D'ACCIDENT
Malgré les 50 000 grandes éoliennes dans le monde, dont certaines fonctionnent depuis plus de 20 ans, aucun mort ou blessé n'est à déplorer. D'ailleurs le risque d'accident est suffisamment faible pour qu'il n'y ait pas de clôtures autour des parcs éoliens. Pour se prémunir contre tout risque d'accident, les éoliennes, conçues pour résister à des vents de plus de 200 km/h, sont arrêtées en cas de tempête.
LA CREATION D'EMPLOIS
Même si peu d'emplois découlent de l'exploitation des parcs, il s'en crée beaucoup dans la fabrication et l'installation. En Europe en 2004, on dénombrait déjà 100 000 emplois issus de l'éolien.
L'INCONSTANCE DE LA PRODUCTION
Actuellement le point le plus critiqué concerne les variations de débit d'électricité, accusées de perturber les réseaux de distribution et de requérir une production intermittente avec les centrales à charbon.
Mais nous devons tenir compte de plusieurs paramètres :
En comparaison, c'est notre consommation qui est très variable. Notre réseau sait déjà absorber les variations de demande entre le jour et la nuit, ainsi qu'entre les saisons, alors que les centrales nucléaires, hydroélectriques au fil de l'eau et au charbon, n'ont pas plus de souplesse pour s'y adapter. Ce sont des centrales en « semi-base » qui vont fonctionner à temps partiel et des centrales de pointe qui vont répondre instantanément aux pics de consommation. De toute façon, on constate au niveau européen que l'on ne construit plus de centrale à charbon, contrairement aux centrales éoliennes.
Nous débutons « l'éolien français » et nos 2 000 MW sont loin de pouvoir saturer notre réseau avec des pics de production. Même en atteignant nos objectifs de 10 000 MW en 2010 ou 18 000 MW en 2015, le problème serait toujours loin de se poser. 10 000 MW ne représenteront que 2% de notre actuelle consommation d'électricité. On peut même craindre que la production par l'éolien ne couvre pas l'augmentation de notre consommation.
Le vent qui est souvent intermittent ne souffle pas aux mêmes lieux au même moment, surtout en raison de la grande taille de notre territoire. Contrairement aux grandes nations européennes de l'éolien, nous avons 3 régions principales bien distinctes qui nous permettent une production d'ensemble très continue.
L'ambition des énergies renouvelables est de se compléter entre elles :
- les barrages hydroélectriques dont on peut rapidement varier la production ;
- les centrales solaires en plein essor, grâce au récent progrès de la recherche et dont la production est relativement décalée par rapport à l'éolien ;
- la biomasse où les découvertes s'accélèrent ;
- la géothermie qui est aussi en plein développement ;
- les hydroliennes qui bientôt tireront parti des courants marins, des mouvements des marées et des vagues.
Les progrès récents des prévisions météorologiques permettent d'anticiper les variations de production des éoliennes.
Stocker de l'électricité n'est pas une utopie :
En particulier en France, grâce aux STEP (Stations de Transfert d’Energie par Pompage) qui permettent en pompant d'une retenue d'eau basse vers une retenue plus haute, de stocker de très grandes quantités d'énergie (jusqu'à plusieurs centaines de GWh), avec un excellent rendement ( 80 %) et de se mettre en marche très rapidement en quelques minutes.
Grâce aux batteries à flux continu, dont la technologie connue depuis les années 80, débute aujourd'hui son déploiement à travers le monde.
Mais aussi grâce à l'air comprimé, et bientôt aux piles à combustible après électrolyse de l'eau …
On peut aussi envisager de changer nos propres habitudes en consommant l'électricité quand elle est abondante et en limitant son utilisation quand elle l'est moins. La libéralisation des tarifs ou les propositions tarifaires actuelles, « EJP » et « Tempo », aidées par l'emploi d'accumulateurs de chaleur, nous y encouragent.
LE JEU EN VAUT-IL LA CHANDELLE ?
Une grande éolienne de la génération actuelle produit 5 MW, ce qui représente l'électricité domestique, chauffage électrique inclus, de 5 000 personnes.
A ce jour, il existe en Europe près de 50 000 MW d'éolien ; ce qui a permis sur 20 ans (durée de vie d'une éolienne) d'éviter la construction de 20 réacteurs nucléaires et la production de 6 000 tonnes de déchets nucléaires.
Ce même effort représente, sur 20 ans, l’évitement de l'émission de 50 millions de tonnes de CO2 dans notre atmosphère.
L'occultation des dangers liés au réchauffement climatique, combinée au débat sur les réserves de pétrole, ne favorisent pas le développement des énergies renouvelables. »