L’ignoble expulsion du 10 février du squat de la rue Victor Hugo continue - et c’est heureux - à faire couler l’encre.
Voici l’article paru dans « le canard enchaîné » de ce mercredi 17 février sous la plume d’une «vieille» connaissance, Dominique Simonnot, que nous avons bien connue dans les années 90 lorsqu’elle suivait, pour Libération, les actions du DAL.
Pierre Mathon
« A Bagnolet, un tractopelle plein de souvenirs
Qu’il est dur pour une mairie communiste d’expliquer l’expulsion de squatteurs. C’était à Bagnolet, le 10 février, par moins 5°C, sous une tempête de neige et de protestations. Un communiqué du Parti dénonce des faits « inacceptables ». C’est étrange, on ne sait pas bien à qui s’adressent ces reproches. Mais, en privé, des cocos hurlent au scandale : « De vrais communistes se seraient couchés par terre pour empêcher l’expulsion ! Ces cons nous ramènent trente en arrière ! », au temps du regrettable bulldozer qui, à Vitry, avait obstrué l’entrée d’un foyer d’immigrés. Et qui, depuis, colle aux semelles du Parti.
Manque de pot, ce 10 février, justement les militants de Droit au logement, qui manifestaient à Bagnolet pour autre chose, sont arrivés à toute blinde. Et le sort est cruel : à côté du squat il y a la Confédération paysanne, qui ouvre ses portes aux expulsés et défile avec eux. Même les employés communaux de la CGT se déclarent « solidaires ». Et à la préfecture, un interlocuteur narquois assure : « La mairie était au courant du jour et de l’heure de l’expulsion. »
Bien obligé, l’adjoint au maire chargé du logement confirme : « Oui, nous le savions, la décision avait été prise quelques jours avant, lors d’une réunion avec le sous-préfet. » Mais enfin, pourquoi ne pas avoir reporté l’opération à des jours plus cléments ? « Euh… effectivement… la situation nous semblait urgente. J’en suis conscient, une expulsion est toujours douloureuse », poursuit l’élu, gêné, en avançant les propositions de relogement, « toutes refusées par le DAL ». Certes. Mais c’était l’hôtel par le Samu social à Gennevilliers ou Cergy. Très loin pour ceux qui travaillent. Et puis, « ce lieu était très difficile, certains - pas tous, bien sûr – posaient problème… » Ah bon ? Et même ?
Mais, enfin, les discussions sur le relogement seraient en bonne voie.
Aujourd’hui, l’ancien bar délabré est surveillé par des policiers, des vigiles et un chien. Les fenêtres sont murées depuis belle lurette, et la porte l’a été le jour de l’expulsion et le toit a été défoncé par le tractopelle de la mairie, en même temps que le petit immeuble de derrière. Une fente du mur laisse entrevoir des meubles et des effets entassés, abandonnés dans la hâte de l’opération. Un cuisinier et un vigile y vivaient : « Ici il avait un grand salon, là c’était les chambres, parfois en était tellement là-dedans qu’on enjambait les gens. Et maintenant c’est rien du tout… »
Ah, ce n’est pas à Neuilly qu’on verrait ça. La ville Sarko ne compte ni logements sociaux, ni sans-logis, ni squat…
Dominique Simonnot »