L’ignoble expulsion des habitants du 92 rue Victor Hugo par la municipalité PC de Bagnolet avec l’appui de la police, n’a pas fini de soulever indignation et interpellation. L’oubli n’est pas de mise !
Nous reviendrons bien entendu sur l’attitude du maire et de son premier adjoint (tous deux communistes), sur les textes de justification envoyés aux uns et aux autres, sur les calomnies contre les squatteurs, sur les pas de deux et les rétro-pédalages des élus comme de la section du PCF, sur le malaise d’un grand nombre de communistes « de base » (on aurait aimé plus d’indignation et d’action …) et sur le grand écart de Marie-George Buffet …
Aujourd’hui, il nous a paru intéressant de publier (avec l’autorisation de l’intéressé, bien entendu) le « dialogue » entre un ancien secrétaire de la section du PCF de Bagnolet, Bernard Lombardo*, et le secrétaire actuel, Kamel Brahmi, (qui fut secrétaire de Laurent Jamet à l’OPHLM entre 2001 et 2008).
Si le nouveau secrétaire ne manque pas d’aplomb (pour ne pas dire pire), on constate que l’ancien réussit à rester calme et poli.
Pierre Mathon
Dans l’ordre.
Le communiqué officiel du PCF :
« Parti Communiste Français
Section de Bagnolet
Face à la politique Ségrégative de la Droite,
Rassemblons-nous pour imposer le droit au logement.
L’émotion suscitée par l’évacuation du squat de la rue Victor Hugo, met en lumière une situation que les communistes ne cessent de dénoncer. La crise du secteur locatif social est froidement réfléchie et entretenue par la Droite. Son but est de favoriser la marchandisation du logement, faire primer la logique du fric sur celle des droits humains. Il en résulte une souffrance sociale dont le gouvernement se lave les mains.
Garantir le droit au logement suppose de combattre cette logique ultralibérale en développant un vaste plan de construction de logements sociaux de qualité pour répondre aux besoins. Au lieu de cela le pouvoir Sarkozyste offre des milliards pour renflouer les banques et coupe les financements en faveur de l’habitat social. Ceux-ci étaient de 850 millions d’euros au budget de 2008 et ils ne sont que de 480 millions cette année.
Faire de tels choix, comme celui de placer 1 millions de chômeurs en fin de droits, c’est décider de jeter des dizaines de milliers de personne à la rue. C’est inacceptable !
Nous combattons cette politique qui conduit, par l’insuffisance de logements HLM, des hommes et des femmes à se réfugier dans des immeubles indignes où la sécurité n’est plus assurée pour ses occupants comme pour le voisinage. Tout le monde en convient, c’était bien le cas du squat de la rue Victor Hugo laissé à l’abandon depuis plus de 10 ans par son propriétaire privé et que la ville a racheté pour réaliser une opération de construction de logements sociaux modernes. Ce type de difficultés ne se seraient pas créées si, comme nous le revendiquons, un service public national décentralisé du logement et de l’habitat existait. Plus aucune expulsion sans relogement préalable ne serait possible.
Nous le rappelons avec force, Bagnolet, de par l’action de ses élus et les luttes de ses militants, n’a jamais été en reste de ce combat ! Ainsi Bagnolet compte aujourd’hui 45% de logements sociaux quand des villes comme Le Raincy n’en compte que 4,3% et ne respectent pas la loi des 20% de logements sociaux par ville.
La situation des personnes expulsées du squat a provoqué l’indignation et un légitime trouble. Aucune expulsion n’aurait du se faire dans cette période.
Dans le même temps, les élus de la ville ont œuvré pour une solution humaine et durable pour les occupants du squat. La municipalité a obtenu des hébergements d’urgence jusqu’à la fin de l’hiver, mis à disposition un local et gagner la tenue d’une table ronde réunissant les sans logis, l’association du DAL, la Ville et la préfecture afin d’aboutir à des solutions pérennes. Nous soutenons toutes ces actions au service d’un règlement rapide de la situation des sans logis et des sans papiers du squat Victor Hugo.
Les communistes sont de tous les combats pour la reconnaissance et la concrète mise en œuvre du droit humain fondamental qu’est le droit au logement pour tous et partout !
Nous appelons à la mobilisation populaire pour imposer la rupture avec les orientations politiques libérales actuelles et obtenir une politique du logement basée sur la réponse aux besoins, l’efficacité sociale, la solidarité.
PCF Bagnolet »
La réponse de Bernard Lombardo :
« Puisque ce message m'est aussi adressé, je donne mon opinion avec les éléments en ma possession. D’abord je trouve que s’il est bien de réagir pour le principal parti politique en charge des affaires de la ville, cette réaction 10 jours après l’expulsion inexcusable et inacceptable est bien tardive. Trois manifestations se sont déroulées dans notre ville avec l’absence très remarquée des communistes et de leurs élus. En dehors des deux tracts municipaux et d’un texte d’une “habitante de Bagnolet” (sic) (dont seule la modestie certainement l'empêchât de dire qu’elle était aussi la compagne du 1er adjoint de Bagnolet délégué au logement) traitant les expulsés de gangsters de drogués et de proxénète, ce qui retire un peu de force à ce qui est dit aujourd’hui, je cite “ La situation des personnes expulsées du squat a provoqué l’indignation et un légitime trouble. Aucune expulsion n’aurait du se faire dans cette période. ” Cette indignation n’a pas empêché la mairie de faire dépêcher, 1 heure après l’expulsion, une pelleteuse sur place pour détruire le bâtiment sans même que beaucoup ne puisse récupérer leurs affaires et pour certains les papiers qui permettraient leur régularisation. Je signale en passant que tous ces gens stigmatisés de la sorte sont aujourd’hui, grâce à deux semaines de manifestation et d’actions diverses placés dans un algéco, lui même dans une école, c’est à dire au milieu des enfants. Si ce qui leur est reproché correspondait à la réalité, ce que je ne crois pas les connaissant un peu, les placer à cet endroit aurait été tout a fait irresponsable.
Je lis par ailleurs que ce squat a été racheté par la ville “ pour réaliser une opération de construction de logements sociaux modernes.” reprenez moi si je me trompe mais il me semble que le conseil municipal a voté la vente de ce terrain au groupe Auchan. Ce qui veut dire que, contrairement à ce que dit la municipalité (“accessibles à tous”), même si des logements sociaux sont construits, en aucun cas les 2700 demandeurs de logements sur la ville ne pourront y accéder, ceux-ci seront réservés aux salariés d’Auchan. Si je partage complètement l’analyse qui est faite du gouvernement Sarkozy et des gouvernements de droite en général, je pense après avoir lu ce texte, que si les actes pouvaient correspondre aux paroles la crédibilité y gagnerait. »
Les nouvelles précisions apportées par la section du PCF :
« Sans vouloir polémiquer, mais pour répondre à quelques unes de vos interrogations. Vous êtes en droit d’être critique vis-à-vis de la déclaration de la Section du 11 février, dont vous avez finalement pris connaissance. Nous maintenons cette déclaration qui ne se limite pas à traiter l’événement mais souhaite plonger aux racines du problème. La section a donc une position plus nuancé que la votre sur cette affaire et tient compte, alors que vous semblez l’évacuer, du travail de la Municipalité pour répondre aux problèmes de fond des sans logis tout en replaçant cette problématique dans un contexte plus large.
S’agissant de vos griefs sur la Municipalité, rien ne vous empêche de vous adresser aux personnes concernées qui auront sûrement des éléments précis à vous communiquer du fait de leurs confrontations quotidiennes aux réalités de notre ville L’amalgame, section, élus, municipalité, « habitante de Bagnolet » etc, est assez spécieux et ne mérite pas plus de commentaires.
Soyez assuré de l’action des militants communistes dans le soutien aux sans logis et aux sans papiers du squat Victor Hugo, selon les formes qui leurs paraitront les plus efficaces.
Enfin, nous estimons qu’il n’est jamais inutile d’épiloguer sur ce qui nous rassemble, l’Unité est un combat, que nous continuerons à mener sans relâche. »
Réplique de Bernard Lombardo (poli, mais ferme) :
« Comme il me semble avoir été mal compris je reviens sur ce que je voulais dire.
Je pense inutile d’épiloguer sur ce qui nous rassemble, il faut effectivement mener une lutte sans merci contre cette droite qui mène le pays et le monde à la catastrophe. Je serai pour ma part de toutes les luttes qui tendront à affaiblir le capitalisme et à le dépasser lorsque ce sera possible. Je pense aussi que pour y arriver il faut être crédible et pour cela ne pas se comporter de la même manière que l’adversaire, ne pas agir en contradiction avec les idéaux que l’on prétend représenter.
Je vais donc essayer d’être plus clair.
Il est dit par exemple dans ce texte que :”La section de Bagnolet a réagi dès le lendemain de cette expulsion, “. mais cette réaction ne correspondait pas du tout aux évènements vécus par les expulsés et rendait le gouvernement seul responsable de cette situation. Si l’attitude de l’état est à déplorer et à condamner, cela n’excuse en rien le comportement de la mairie. Je trouve que cette manière de rendre compte est très partisane et non conforme à la réalité.
Par exemple:
L’huissier qui est intervenu au cours de l’expulsion a remis au comité de soutien, à sa demande, le document qui a trait à son intervention. Sur ce document que j’ai pu voir, c’est la mairie qui l’a mandaté. Est-ce vrai ou pas ?
La pelleteuse qui a détruit le bâtiment pour empêcher les expulsés de revenir a été envoyée par la mairie, est-ce vrai ou pas ?
Si cela est vrai, la mairie était donc au courant, comme le soutien la préfecture et n’a rien fait, au contraire, pour empêcher ce forfait ignominieux.
“Ce ne sont pas les squatteurs en tant que tels qui étaient facteur d’insécurité,” dites vous encore, j’en prends acte mais ce n’était pas la teneur des tracts de la municipalité et de “l’habitante de Bagnolet” (sic) pour lesquels il s’agissait de dealers, de drogués de proxénètes et de personnages violents. Là encore, si je me trompe, reprenez-moi.
Le premier adjoint à qui l’on posait la question à la télévision sur une expulsion pendant la trêve hivernale répondait que “cette loi ne s’appliquait pas aux occupants sans droits ni titres” je ne me trompe toujours pas ? Autrement dit, pour ceux-là il est normal d’être jetés à la rue même en plein hiver par moins 5° ?
Vous dites encore que “la Municipalité s’engageait à soutenir la régularisation des sans papiers.” Malheureusement, comme vous le savez la démolition a englouti les documents qui auraient permis à certains d’entre eux d’être régularisés.
Je note dans votre texte ; “ découvrir que 16 salariés sans papiers vivaient dans ce squat, doit nous interroger sur notre capacité à être aux plus proche des gens pour mobiliser et agir en partant des réalités que nous côtoyons. “ Votre combat sur cette affaire a été trop discret pour que les quelques centaines de Bagnoletais qui se battent avec le comité de soutien l’ait remarqué.
La teneur de votre texte aujourd’hui laisse à penser que votre action maintenant sera plus déterminante et je m’en réjoui. Il est certain que l’intervention, même tardive, des communistes avec leurs élus aux côté du comité de soutien aux expulsés ne pourra que favoriser et accélérer l’issue positive du conflit. »
Et de conclure :
« Vous me dites répondre à quelques unes de mes interrogations mais je ne vois aucune réponse aux questions pourtant claires que j’ai posées. Cela ressemble plutôt à de la langue de bois.»
* Bernard Lombardo a rompu avec le PCF il y a un peu plus de 15 ans. Il a conduit à 3 reprises 1995, 2001 et 2008 une liste « Bagnolet plurielle » aux élections municipales de Bagnolet