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  • : Bagnolet en Vert- L'Ecologie à Bagnolet
  • : Ce blog de Bagnolet en Vert- L'Ecologie à Bagnolet est à votre disposition pour vous informer quotidiennement de l'écologie politique et du travail de Pierre MATHON et d'Hélène ZANIER et de leurs amis.
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L'éditorial du blog

planete_bleur_belle_fond_vert.jpg                                                           

Ce blog «Bagnolet en Vert» est le blog d’Hélène Zanier, de Pierre Mathon et de leurs amiEs. Aujourd’hui militantEs associati -fs –ves (à « Bagnolet Ecologie » et Environnement 93, Jardins partagés, « l’Association des Bagnoletais contre la Dette », Romeurope, RESF, Russie-Libertés, Murs-À-Pêches, etc.), après avoir été élus (régionaux, municipaux) et responsables du parti Les Verts, nous entendons contribuer à l’avancée des idées et des projets écologistes.

Penser et agir, globalement et localement, telle est la devise de notre blog écolo,  Vert et ouvert, militant et d’éducation populaire, libre, bagnoletais, intercommunal et planétaire.

Hélène Zanier et Pierre Mathon

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En Vert et avec tous !

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Pierre MATHON
et toute l'équipe de
BAGNOLET EN VERT


* pour l’environnement et le développement durable, 
* pour la démocratie, la citoyenneté et la laïcité,
 
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* pour l’école, l’éducation et la culture, 
* pour un urbanisme de qualité

 
En Vert et avec tous                                            

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AGENDA

BONNE ANNEE 2015 !

 

Mardi 3 février à 20h30 conseil de quartier de la Dhuys à l'école Joliot-Curie

 

Mercredi 4 février à 19h atelier participatif sur la ZAC Benoit Hure : les espaces extérieurs  et l'occupation de la mairie historique

 

Jeudi 5 février 19h30 salle P et M Curie conseil de quartier des Malassis

 

PETITIONS

Réaction aux propos intégristes d'un élu de la majorité municipale de Bagnolet : pour le droit des femmes à disposer de leur corps

https://secure.avaaz.org/fr/petition/Le_maire_de_Bagnolet_defense_du_droit_des_femmes_a_disposer_de_leur_corps/?sMpnibb

 

« Monsieur le Maire de Bagnolet: Nous vous appelons à créer une maison de quartier et citoyenne dans le quartier de la Dhuys»

http://www.avaaz.org/fr/petition/Monsieur_le_Maire_de_Bagnolet_Nous_vous_appelons_a_creer_une_maison_de_quartier_et_citoyenne/?tUmsDgb

 

Pour que cesse l'acharnement juridique contre la confédération paysanne
 
http://www.cyberacteurs.org/cyberactions/stop-acharnement-conf-865.html

 



 

 

 

 

 

 

 


 

2 juillet 2013 2 02 /07 /juillet /2013 08:21

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Le communiqué d’Europe Écologie Les Verts, publié le 1 juillet 2013 

« EELV demande à François Hollande d’accorder l’asile politique à Edward Snowden

La France doit accorder sans délai l’asile politique au lanceur d’alerte et défenseur de la liberté, Edward Snowden, qui a dévoilé un système de surveillance généralisé des données personnelles de l’ensemble de la planète par les Etats-Unis.

Europe Écologie Les Verts et l’ensemble de ses parlementaires français et européens demandent solennellement au Président de la République et au gouvernement d’accorder l’asile politique à un homme qui, non seulement a eu le courage de révéler l’existence d’une surveillance illicite, mais a permis d’en connaître l’ampleur qui s’étendait jusqu’aux bureaux de l’Union Européenne aux Nations Unies et à Bruxelles.

Cet asile politique aurait un double fondement :

• d’une part, il permettrait de rappeler que la France entend protéger tous les lanceurs d’alerte quelque soit leur nationalité, dès lors qu’ils constituent une sauvegarde indispensable de la démocratie,

• d’autre part, rappeler qu’au moment où l’UE s’apprête à négocier un accord transatlantique avec les USA, la France refuse clairement le diktat américain sur la protection des données et les violations manifestes des libertés publiques fondamentales au nom de sa lutte contre le risque terroriste.

Pascal DURAND, Secrétaire national
Jean-Philippe MAGNEN, Elise LOWY, Porte-parole

L’œil de Washington

En complément un texte, publié le 26 juin 2013, de Grégory Gutierez, rédigé avec l’aide collective des membres de la commission EELV Partage 2.0, notamment de Feth Areski et Gaelle Krikorian.

« We must acknowledge once and for all that the purpose of diplomacy is to prolong a crisis. »

Spock, épisode “A taste of Armageddon”, Star Trek (The Original Series), première diffusion en 1967 à la télévision américaine.

 1984-signet1981

« L’œil de Washington

La conjonction de plusieurs informations ces dernières semaines, relatives aux libertés fondamentales sur le réseau Internet et aux activités de surveillance étatique de ce réseau, laissent présager d’un avenir sombre pour la liberté d’expression et le respect de la vie privée des internautes et des citoyens de tous pays.

Les révélations concernant le programme de surveillance en ligne PRISM[1], de la puissante agence américaine NSA, illustrent à quel point un Internet essentiellement animé par des sociétés privées est une menace pour nos libertés fondamentales. Grâce au lanceur d’alerte Edward Snowden[2], dont le geste n’est pas sans rappeler celui de Bradley Manning dans l’affaire Wikileaks[3], nous savons aujourd’hui que la grande majorité des entreprises du web collaborent depuis 2009 au moins avec les services secrets américains pour fournir les données engrangées par leurs utilisateurs sur leurs sites respectifs. Microsoft, Apple, Google, Facebook, Skype… Pratiquement tous les « géants » du web – toutes des entreprises américaines – sont concernés.

Ceci est la conséquence directe du Patriot Act voté par le Congrès américain sous la présidence de George W. Bush, loi qui autorisait le gouvernement à organiser une surveillance généralisée des internautes non-américains, au nom de la “sécurité intérieure” et de “la lutte contre le terrorisme”. Or la notion d’acte de terrorisme peut avoir de multiples définitions, laissées à l’appréciation des agences gouvernementales, loin des yeux du peuple, et ce d’autant plus que l’accès aux données personnelles des internautes via le programme PRISM est autorisé par une cour de justice dont les délibérations restent secrètes. En clair, n’importe quel internaute non-américain peut voir ses données personnelles scrutées et analysées par la NSA, sans même qu’il en soit averti, ni avant, ni après l’accès à ses données.

L’aspect pour le moins subjectif de cette notion de “lutte contre le terrorisme” est assez évidente. En France, ces dernières années, la presse s’est faite l’écho de la collaboration d’entreprises françaises avec des régimes dictatoriaux, via la vente de technologies de surveillance des activités des usagers du Net. En Libye, c’est justement au nom de la lutte contre le terrorisme que le système de surveillance Eagle avait été vendu au régime de Kadhafi[4], et ce alors que le même pays finançait en sous-main la campagne électorale du futur chef d’État français[5].

Beaucoup moins grave, à la limite de l’absurde même, mais tout à fait illustratif des dérives auxquelles peut mener cette notion de “lutte contre le terrorisme” : lors d’un débat dans une ville du Tennessee en mai dernier, un conseiller municipal n’a pas hésité à répondre aux habitants qui se plaignaient de problèmes de santé après avoir bu de l’eau du robinet de qualité douteuse, que leurs propos pourraient s’apparenter à “un acte de terrorisme” et qu’ils pourraient donc tomber sous le coup de la loi.[6] C’est absurde, certes, espérons que ça le restera encore longtemps.

 

Internet comme outil de partage démocratique

Cette mainmise d’un État sur les libertés fondamentales des usagers du Net est en contradiction directe avec les principes mêmes de partage et de protection des données qui sont au coeur de sa philosophie. Dans la foulée des premières révelations sur le programme PRISM, plusieurs figures historiques du réseau ont déjà pris position sur ce sujet.

Steve Wozniak, le co-fondateur de la société Apple, explique dans un entretien pour CNN qu’avec le développement d’Internet, il s’agissait avant tout de “libérer les gens, de leur offrir la capacité de communiquer n’importe où dans le monde de manière instantanée et sans entrave. (…) Mais nous n’avons pas réalisé que le monde numérique offrait aussi de nombreuses technologies nouvelles pour nous contrôler et nous surveiller.” [7]

Tim Berners-Lee, l’un des inventeurs du web (le “web” étant ce principe de liens hyper-textes et d’URL permettant d’interconnecter les sites internet en une vaste “toile”), aujourd’hui président du W3C, a déclaré pour sa part que “si vous pouvez contrôler l’Internet, si vous pouvez commencer à modifier ce que disent les usagers et intercepter leurs communications, vous devenez vraiment très puissant… Et c’est le genre de pouvoir qui, s’il est octroyé à un gouvernement corrompu, lui permet de rester aux commandes pour toujours. Une surveillance gouvernementale totale est une violation directe des droits humains fondamentaux, une menace envers les fondements mêmes de la société démocratique.” [8].

Face à une telle menace contre les libertés et la vie privée des usagers, quelles solutions peuvent être envisagées ? La garantie de la neutralité du Net et le développement des logiciels libres sont primordiaux dans ce nécessaire débat démocratique, en ce qu’ils sont susceptibles de réaliser une (ré-)appropriation du réseau par ses usagers.

 

Le libre : un choix respectueux des usagers

Les logiciels libres[9] sont développés par et pour les utilisateurs, de manière collaborative. Ils permettent de mieux garantir la sécurisation des données personnelles et sont susceptibles de fournir des services plus fiables et mieux partagés. Plus fiables car corrigés et améliorés par ceux-là mêmes qui les utilisent, dans une optique d’efficacité d’utilisation, grâce à la publication et la modification libre de leurs codes sources. Mieux partagés car librement copiables et exécutables sur autant de terminaux informatiques que nécessaire, grâce à des licences dites “ouvertes” (il existe de nombreuses licences d’utilisation, plus ou moins ouvertes). Vous utilisez d’ailleurs déjà certainement des logiciels libres, à des degrés divers, dans votre utilisation de l’informatique et du Net : le navigateur Firefox de la Fondation Mozilla, le lecteur de vidéos VLC, la suite bureautique LibreOffice, le serveur Apache qui fait tourner nombre de sites internet que vous visitez, le système de blog WordPress, le moteur de  l’encyclopédie collaborative Wikipédia, sont autant de logiciels et d’applications issus du monde du Libre.

Tous ces logiciels sont bien moins susceptibles d’être asservis au bon vouloir et à la curiosité des agences de surveillance d’une quelconque nation, car ils ne dépendent généralement pas d’une entreprise privée. Ils sont par nature “apatrides”, dans le sens où ils ne sont pas soumis aux lois d’un pays et bénéficient des compétences de développeurs indépendants, réunis grâce au réseau et regroupés en fondations, en associations voire en simple groupes de travail informels[10]. Par bien des aspects, les logiciels libres sont des logiciels populaires, au sens fort du terme, qui sont “issus du peuple” et restent contrôlés par ceux qui le souhaitent et le peuvent. N’importe qui peut d’ailleurs participer à l’évolution d’un logiciel libre, pas seulement des ingénieurs et des informaticiens : si vous possédez des compétences de traduction, vous pouvez aider à la “localisation” de son interface, en tant que simple utilisateur, vous pouvez faire remonter un bug ou une suggestion d’amélioration à ses concepteurs.

Encourager l’utilisation et la présence des logiciels libres bénéficierait non seulement à la sécurité et à la garantie du respect de la vie privée des usagers du Net, mais permettrait en outre des économies notables aux administrations, ce qui n’est plus du tout négligeable dans l’environnement économique fortement contraint qui ébranle toute l’Europe depuis plusieurs années. En France, l’Assemblée Nationale est d’ailleurs passée au Libre à partir de fin 2006, bientôt suivie par le Sénat [11]. Le 13 juin dernier à Paris, lors de l’inauguration des nouveaux locaux de la Fondation Mozilla, la ministre chargée de l’Économie Numérique, Fleur Pellerin, a d’ailleurs rappelé l’importance du libre dans l’économie des nouvelles technologies : “La France est souvent citée comme un des pays les plus actifs au monde dans le domaine du logiciel libre. La croissance soutenue dans ce secteur le confirme. Les chiffres sont éloquents : ce marché représentait en 2011 plus de 2 milliards d’euros, soit plus de 6% de la demande de logiciels et de services informatiques. Par ailleurs, il y a là un formidable levier d’emplois, environ 10 000 supplémentaires dans les 3 ans à venir, si les estimations de croissance du marché sont confirmées.” [12]

En Allemagne, la municipalité de Munich a décidé de distribuer gratuitement aux habitants des CD d’un système d’exploitation fondé sur Linux, spécialement pensé pour les ordinateurs vieillissants, dans l’espoir de réduire le nombre de machines jetées à la poubelle alors qu’elles sont encore parfaitement fonctionnelles. [13] Le libre est donc aussi une manière de répondre au consumérisme et peut devenir une forme moderne de service public.

 

Le libre : une opportunité pédagogique émancipatrice

La philosophie rattachée à ces logiciels, qui met en avant les notions de partage, de travail collaboratif, d’intelligence collective, et qui favorise l’esprit d’initiative (n’importe qui peut créer un nouveau projet à partir des acquis d’un projet existant), est d’ailleurs un objet pédagogique idéal pour l’éducation des enfants dans les écoles de la République. S’approprier le savoir, la connaissance, le savoir-faire, est à la base de la notion d’instruction publique : “Le but de l’instruction n’est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l’apprécier et de la corriger. Il ne s’agit pas de soumettre chaque génération aux opinions comme à la volonté de celle qui la précède, mais de les éclairer de plus en plus, afin que chacun devienne de plus en plus digne de se gouverner par sa propre raison.” (De l’Instruction commune pour les enfants, Condorcet, 1791).

Dans le même esprit, la députée Barbara Pompili du groupe EE-LV, affirmait lors du récent débat à l’Assemblée Nationale, et alors que le gouvernement décidait de supprimer la priorité donnée aux logiciels libres dans un projet de loi concernant justement l’enseignement, que « promouvoir les logiciels libres, c’est l’essence même de l’esprit de solidarité et d’égalité républicain » [14].

Bien entendu, au 18ème siècle, quand Condorcet réfléchissait aux objectifs de l’instruction publique, il ne pouvait pas imaginer l’avènement du réseau Internet et les possibilités de travail collaboratif et d’émancipation citoyenne qu’une telle technologie pouvait offrir. Mais nous vivons aujourd’hui, en 2013, dans une société où l’accès à Internet est aussi naturel, pour les nouvelles générations, que la démocratisation et l’accès aux livres imprimés a pu l’être pour les générations précédentes.

L’accès au Net est désormais un accès à la culture au sens large, où l’on trouve le pire et le meilleur, comme dans n’importe quelle librairie ou bibliothèque municipale. Aurait-on imaginé que nos choix de lecture et nos étagères de livres soient surveillés, fichés, annotés voire, pourquoi pas, censurés par des agences gouvernementales, et ce pour notre propre sécurité, au nom d’un “style de vie” qui serait imposé à tous par une poignée de décideurs ?

 

Vers la société du contrôle

Mais pour développer un tel antidote à une société de surveillance généralisée, il faut avoir une politique volontaire d’émancipation des citoyens sur l’Internet, qui passe par l’autonomie du réseau et par l’usage de logiciels sûrs (en particulier des logiciels libres, on l’a vu). Certaines déclarations de membres de l’actuel gouvernement français ne présagent pas d’une telle ambition. Le mercredi 12 juin, lors d’un débat à l’Assemblée Nationale, le député Malek Boutih, du groupe PS, déclarait très sérieusement qu’il « ne croyait pas à la légende des pirates du net, aux geeks qui diffusent gratuitement de la culture. Il s’agit d’une guerre économique, il faut reprendre le contrôle sur Internet, c’est une question plus large de souveraineté. (…) Contrôler les tuyaux, c’est contrôler les contenus » [15].

La situation au niveau de l’Europe est-elle plus encourageante ? Lors d’une récente conférence de presse conjointe avec le président des Etats-Unis à propos de PRISM, la chancelière allemande Angela Merkel a déclaré : “Internet est un nouveau territoire, un territoire inexploré pour nous tous. Et il permet à nos ennemis, il permet aux ennemis d’un ordre libre et libéral de l’utiliser, d’en abuser, de créer une menace pour nous tous, de menacer notre style de vie. Et c’est pourquoi nous attachons de l’importance à la coopération avec les États-Unis sur les questions de sécurité.” [16]Curieuse contradiction qui voit la surveillance généralisée des citoyens  justifiée par l’impératif de… préserver leurs libertés (on notera d’ailleurs cette expression pour le moins ambivalente qu’utilise Merkel : “l’ordre libre”, mais gageons qu’il s’agit seulement d’une maladresse de traduction ?).

De telles déclarations, que pourraient reprendre sans en changer une ligne les autorités chinoises qui censurent allègrement l’accès à Internet de leurs citoyens, ou les autorités iraniennes qui entendent tout simplement le remplacer par un réseau de communications “national”, lourdement surveillé et censuré[17], ont de quoi inquiéter sérieusement tous les défenseurs d’un internet libre et neutre.

“Contrôler les tuyaux, c’est contrôler les contenus” : cette phrase vertigineuse d’un élu de la République donne une idée de l’incompréhension d’une bonne partie de la classe politique sur ce qu’est l’Internet, sur son potentiel d’édification d’une véritable République numérique, transnationale et collaborative. Quand on y réfléchit bien, “contrôler les tuyaux”, c’est décider des capacités d’accès des usagers à ce nouveau territoire, et “contrôler les contenus”, c’est décider de ce qui pourra ou pas être lu, écouté ou visionné par ces usagers. Il s’agit ni plus ni moins que d’abandonner un principe fondamental : la neutralité du Net.

 

La neutralité du Net implique une stricte neutralité des États

La défense du principe de la neutralité du Net apparaît comme essentielle, mais cette notion finalement assez simple à comprendre reste plutôt floue pour le grand public. Depuis plusieurs années, des entreprises des nouvelles technologies et du secteur culturel marchand tentent de faire pression sur les gouvernements pour que cette neutralité soit abandonnée, au profit d’une circulation des données différenciée, prioritaire pour certains contenus mais pas pour d’autres, améliorée pour certains usagers mais dégradée pour d’autres. Un peu comme si la qualité de vos communications téléphoniques dépendait de votre interlocuteur, et ce à la discrétion de votre opérateur téléphonique, qui pourrait même vous interdire de contacter certaines personnes. Pour votre bien, bien entendu. La fin de la neutralité du Net verrait l’émergence d’un réseau à plusieurs vitesses où les contenus seraient plus ou moins accessibles et plus ou moins visibles, en fonction de motivations et d’intérêts essentiellement économiques ou « culturels ».[18]

On imagine bien à quelles extrémités pourrait conduire l’alliance de technologies de surveillance du type PRISM et la fin de la neutralité d’accès aux contenus. En Tunisie, en Egypte, en Turquie, aux États-Unis aussi avec le mouvement de contestation OccupyWallStreet, un quelconque “printemps” aurait-il pu être envisagé si l’information sur le Net avait été ainsi “hiérarchisée” ? Si les accès aux vidéos et aux pages des réseaux sociaux avaient été “ordonnés” à la discrétion des États et de leurs partenaires privés en charge du fonctionnement technique de tous ces services ? Y aurait-il eu un changement de pouvoir en Egypte ou en Tunisie si les sites des médias “officiels” avaient bénéficié d’une priorité d’accès au détriment des pages personnelles des activistes et des témoins en direct des événements ? OccupyWallStreet aurait-il été le mouvement de contestation et de réflexion sociale qu’il a été si l’État fédéral américain avait décidé, à la source, de ce qu’il était pertinent – ou pas – de faire savoir aux internautes ?

Les forces de l’ordre qui chargeaient les manifestants pacifiques de la place Taksim à Istanbul ces dernières semaines, n’utilisaient pas que des gaz lacrymogènes et des canons à eau, mais aussi des brouilleurs de réseau 3G, pour empêcher les activistes de témoigner en direct sur les événements en cours, depuis leurs smartphones. La libre circulation de l’information et de l’expression sur le Net, voilà l’ennemi principal que craignent aujourd’hui les États non-démocratiques, et ceux dont la démocratie vacille.

Sur cette question de la neutralité du Net, la commissaire européenne en charge du numérique, Neelie Kroes, a présenté au Parlement un projet de loi visant à constituer « un garde-fou à tous les Européens, sur tous les appareils, sur tous les réseaux – une garantie d’accès à un Internet complet et ouvert ».[19] Neelie Kroes explique ses motivations sur son propre blog : “les usagers doivent savoir si, en payant leur accès au Net, ils ont du Champagne ou seulement du vin pétillant. Si ce n’est pas un accès complet au Net, l’offre ne devrait pas être markétée comme telle. Peut-être même l’offre ne devrait-elle pas être présentée comme un accès à Internet, en tout cas pas sans les réserves nécessaires. Les régulateurs d’accès devraient avoir ce genre de contrôle sur les offres proposées par les opérateurs Internet.” [20]

 

Etats.com ou citoyens.org ?

Parmi les révélations de  l’affaire PRISM, une information sans doute anecdotique, mais hautement symbolique, a fini par émerger : le directeur de la sécurité du réseau social Facebook, site côté en bourse et critiqué pour changer ses règles d’utilisation régulièrement[21], a quitté ses fonctions en 2010. Pour intégrer la NSA[22]. Cette porosité entre les deux mondes, celui de l’agrégation de données personnelles numériques  d’une part, et celui de l’espionnage d’État à grande échelle motivé par des raisons de sécurité intérieure à la légitimité douteuse, d’autre part, devrait interroger et inquiéter les utilisateurs du Net que nous sommes.

Face à cet enjeu, nos représentants politiques sont-ils condamnés à l’inculture sur tout ce qui touche au réseau Internet et aux potentiels des nouvelles technologies en matière de circulation de l’information, d’éducation, de libertés civiles et, finalement, en matière d’émancipation populaire ? Est-il dans l’intérêt des citoyens de laisser l’avenir du réseau à des personnes qui l’envisagent comme “des gros tuyaux” ou “des terres nouvelles à découvrir” ? Un État peut-il surveiller comme bon lui semble les usagers du net, avec la complicité, qu’elle soit forcée ou volontaire, des entreprises qui “monétisent” ces usagers au travers de leurs plate-formes de services ?

Faut-il pour autant désespérer de la politique ? Dénigrer à l’emporte-pièce le monde de la politique, dans son ensemble, reviendrait à faire un cadeau inespéré aux organisateurs de cette tentative de mutation de l’Internet, de vaste réseau démocratique d’expression libre en inquiétante machine à écouter aux portes et à censurer. Devant la tournure que prend “l’affaire” PRISM, Edward Snowden ayant été accusé d’espionnage par la Maison Blanche (ce ne sera jamais que le huitième citoyen américain à être poursuivi de la sorte au nom de l’Espionage Act sous la précidence d’Obama, ce qui est en soit un record[23]), une commission du Conseil de l’Europe vient d’adopter un rapport, “Sécurité nationale et accès à l’information”, qui préconise l’instauration de protections pour les lanceurs d’alertes et de “limites raisonnables dans l’invocation de la sécurité nationale comme justification du secret.” [24]

Bien sûr, un rapport d’une commission du Conseil de l’Europe n’est pas un projet de directive européenne, et une directive européenne n’aurait de toute façon aucun effet sur la politique américaine, chinoise, russe ou iranienne, en matière de protection des libertés sur le réseau. Mais c’est tout de même un premier pas, qui vient s’ajouter aux efforts parallèles de la députée Neelie Kroes pour préserver un accès neutre et des pratiques commerciales claires. Les petits ruisseaux…

Finalement, la seule façon de garantir nos libertés individuelles et collectives à l’ère du numérique, c’est de nous y intéresser, de “mettre le nez dedans”, comme on le ferait pour le code source d’un logiciel libre. Nous pouvons nous ré-approprier la politique, en modifier le code source dans l’intérêt général, et l’invention du Net est une formidable chose pour cela. C’est bien pour ça que le réseau est gênant pour les États, toujours jaloux de leurs intérêts particuliers, qui ne sont pas toujours l’intérêt de leurs populations. En matière de démocratie, le web change la donne. Il ne tient qu’à nous d’en faire un véritable bien commun.

 


[1] Infographie du Monde à propos du programme Prism : http://www.lemonde.fr/international/infographie/2013/06/11/le-programme-prism-en-une-infographie_3427774_3210.html

[2] A propos d’Edward Snowden : http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202823513319-prism-snowden-va-faire-de-nouvelles-revelations-574829.php

[3] Voir la page Wikipédia consacrée à Bradley Manning : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bradley_Manning

[4] le système Eagle de l’entreprise Amesys : http://www.lemonde.fr/technologies/article/2011/12/01/wikileaks-une-technologie-francaise-a-permis-d-espionner-des-opposants-libyens-a-l-etranger_1612078_651865.html

[5] Lire par exemple, parmi beaucoup d’autres articles de presse, http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20130620trib000771463/libye-la-video-dont-nicolas-sarkozy-se-serait-bien-passe.html

[6] Sherwin Smith, Tennessee Official, Says Water Quality Complaints Could Be ‘Act Of Terrorism’ http://www.huffingtonpost.com/2013/06/22/sherwin-smith-tennessee-terrorism_n_3480930.html

[7] Steve Wozniak on NSA Snooping: ‘I Feel a Little Guilty’ http://mashable.com/2013/06/21/steve-wozniak-on-nsa/ Extrait original : « free the people up, give them instant communication anywhere in the world, any thought you could share it freely. (…) That was going to overcome a lot of the government restrictions, » he continued. « We didn’t realize that in the digital world, there are a lot of ways to use the digital technology to control us, to snoop on us. »

[8] Web inventor Berners-Lee warns forces are ‘trying to take control’, http://www.telegraph.co.uk/technology/internet/10107784/Web-inventor- -forces-are-trying-to-take-control.html">Berners-Lee-warns-forces-are-trying-to-take-control.html

[9] FLOSS : Free/Libre Open Source Softwares, voir l’article Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Free/Libre_Open_Source_Software

[10] Le site Numerama s’est fait l’écho de l’initiative américaine « PRISM Break », qui recense les logiciels et outils internet qui ne participent pas au programme PRISM, et qui sont tous des logiciels libres :http://www.numerama.com/magazine/26211-prism-des-logiciels-et-services-alternatifs-pour-limiter-la-surveillance.html

[11] Article : Linux à l’Assemblée nationale : un premier bilan positif http://www.zdnet.fr/actualites/linux-a-l-assemblee-nationale-un-premier-bilan-positif-39382082.htm

[12] Discours de Fleur Pellerin sur le libre chez Mozilla à Paris, http://linuxfr.org/news/discours-de-fleur-pellerin-sur-le-libre-chez-mozilla-a-paris

[13]  »German City Hopes to Wean Citizens Off Windows XP With Free Linux CDs, »http://www.omgubuntu.co.uk/2013/06/germany-to-hand-out-free-ubuntu-cds-on-xps-deat

[14] Article « Le gouvernement et les députés suppriment la priorité du libre à l’école »,http://www.pcinpact.com/news/80222-le-gouvernement-et-deputes-suppriment-priorite-libre-a-l-ecole.htm

[15] Article « Malek Boutih demande à reprendre le contrôle sur Internet », http://www.numerama.com/magazine/26221-malek-boutih-demande-a-34reprendre-le-controle-sur-internet34.html

[16] Article “#NEULAND: Angela Merkel découvre l’internet et crée un mème » http://www.slate.fr/culture/74265/neuland-angela-merkel-internet-meme

[17] Internet Censorship in Iran sur Wikipédia : http://en.wikipedia.org/wiki/Internet_censorship_in_Iran

[18] “La neutralité du Net” sur Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Neutralit%C3%A9_du_r%C3%A9seau

[19] Article L’Europe veut légiférer sur la neutralité du Net, http://www.01net.com/editorial/596963/l-europe-veut-legiferer-sur-la-neutralite-du-net/

[20] Article Next Steps on the Net Neutrality sur le blog de Neelie Kroes, http://blogs.ec.europa.eu/neelie-kroes/netneutrality/ Extrait original : “consumers also need to know if they are getting Champagne or lesser sparkling wine. If it is not full Internet, it shouldn’t be marketed as such; perhaps it shouldn’t be marketed as “Internet” at all, at least not without any upfront qualification. Regulators should have that kind of control over how ISPs market the service.”

[21] A propos du traitement des données personnelles par Facebook, article “Données personnelles : comment les utilisateurs de Facebook se font avoir”, http://www.01net.com/editorial/588263/donnees-personnelles-comment-les-utilisateurs-de-facebook-se-font-avoir/

[22] Article La NSA recrute l’ancien directeur de la sécurité de Facebook http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/la-nsa-a-recrute-l-ancien-directeur-de-la-securite-de-facebook_390844.html

[23] Article “Obama a fait inculper plus d’individus avec l’Espionage Act que tous ses prédécesseurs”,http://www.slate.fr/monde/74339/obama-espionage-act-snowden

[24] Article “Le Conseil de l’Europe veut protéger les « donneurs d’alerte », http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/06/24/le-conseil-de-l-europe-veut-proteger-les-donneurs-d-alerte_3435850_3214.html

Voir aussi la prise de position de l’organisation non gouvernementale Amnesty International, “USA must not hunt down whistleblower Edward Snowden”, http://www.amnesty.org/en/news/usa-must-not-hunt-down-whistleblower-edward-snowden-2013-06-24

2 commentaires pour “L’oeil de Washington”

Marc Shapiro, le 30 juin 2013

Vous dites : « Grâce au lanceur d’alerte Edward Snowden […] nous savons […] que la grande majorité des entreprises du web collaborent […] avec les services secrets américains pour fournir les données engrangées par leurs utilisateurs sur leurs sites respectifs. Microsoft, Apple, Google, Facebook, Skype » : C’est inexact. Ce que Snowden a montré, c’est que que la NSA a accès directement aux données en transit *sans* la collaboration de ces entreprises.

Grégory Gutierez, le 30 juin 2013

Bonjour,

merci de votre remarque, vous avez raison, il semblerait bien qu’en fait la NSA agrège tranquillement les informations générées par les utilisateurs sur tous ces sites, et vient piocher dans cette gigantesque masse d’information quand elle le souhaite, sans que les sites en question ne soient avertis à chaque fois. Le Washington Post a publié un article à ce sujet le 29 juin : http://www.washingtonpost.com/wp-srv/special/politics/prism-collection-documents/

Cependant au moment où nous avons rédigé cette partie de l’article (vers le 24 juin), on croyait encore que la NSA devait « demander l’autorisation » aux sites à chaque requête pour obtenir des informations personnelles. Vu que des informations nouvelles arrivent presque tous les jours en ce moment, nous avons décidé de ne pas modifier à chaque fois le contenu de l’article en conséquence. La zone de commentaires permettra d’ajouter des mises à jour si les informations contenues dans l’article devaient être contredites.

Merci pour votre vigilance 

Grégory »

 

 

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30 juin 2013 7 30 /06 /juin /2013 21:25

NSA USA

Le président du groupe Vert au parlement européen a vivement critiqué les Etats-Unis dans l'affaire d'espionnage révélée par Edward Snowden, ancien agent de l'Agence américaine de la sécurité (NSA).

« Ils ont espionné les bureaux de l’Union Européenne, à Bruxelles, et plus de 500 millions de citoyens européens. On ne va pas se laisser marcher sur les pieds par le contre espionnage américain indéfiniment » a déclaré Daniel Cohn-Bendit au micro de RTL ce dimanche.  « Ils se croient tout permis. Il faut en terminer avec cette impunité »

Il propose d'arrêter « tout de suite les négociations pour un accord de libre échange » avec l'administration Obama.

Il réclame « une négociation pour que dans l'avenir on puisse attaquer en justice ceux qui font ce genre de chose ». Il propose d'adopter un accord qui devra être voté à la fois par « le parlement européen et le congrès américain », permettant la protection des citoyens du Vieux Continent et de leurs données, ainsi que des institutions européennes.

 

Pierre Mathon
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30 juin 2013 7 30 /06 /juin /2013 19:17

Obama poster

Barack Obama a présenté le mardi 25 juin un plan de lutte contre le réchauffement climatique. Voici la réaction du 27 juin d’Europe Ecologie Les Verts.

« Climat : les bons signes d’Obama

Barack Obama a présenté ce 25 juin son plan de lutte contre le réchauffement climatique. C’est en soi une bonne nouvelle, tant on attend depuis si longtemps des signaux positifs en la matière en provenance de Washington. EELV se réjouit ainsi que le président américain prenne enfin l’initiative sur un dossier qu’il avait délaissé lors de son premier mandat.

Lancer un grand programme de limitation des émissions de CO2 des centrales au charbon, principale source de pollution carbonique du pays, est une excellente démarche, pour autant qu’elle ne s’ensable pas au Congrès. Plus largement, mobiliser l’opinion publique américaine sur les enjeux de l’urgence climatique va évidemment dans le bon sens.

Il faudra cependant suivre ce que ce plan d’action apportera de neuf, dans le concret. Comme le soulignent les écologistes américains, le président américain doit faire œuvre de cohérence en matière énergétique et climatique. Ceci revient évidemment à ne pas autoriser la construction du pipeline Keystone XL. Ce projet a vocation à exporter de l’Alberta au Canada vers le Texas, aux Etats-Unis encore davantage de pétrole des sables bitumineux. Barack Obama a précisé qu’il ne devrait être autorisé qu’à la condition que le pipeline ne génère pas un accroissement des émissions de gaz à effet de serre. Or, une étude de Oil Change International a montré que la mise en activité de cet oléoduc engendrerait chaque année, l’équivalent des émissions de 37,7 millions de voitures…

Plus largement, le monde entier attend encore beaucoup des Etats-Unis sur le dossier climatique, et notamment dans les négociations internationales sur le climat dont le fiasco actuel doit beaucoup au positionnement de Washington. Quand les Etats-Unis accepteront-ils enfin de faire de l’ONU et de la convention-cadre sur les changements climatiques leur feuille de route en matière de réduction de leurs émissions ?

Comme le démontrent les événements météorologiques actuels, le dérèglement climatique a commencé, et il ne suffira pas de grand discours – « la maison brûle… » de Jacques Chirac – pour changer le cours de l’Histoire. Ces phénomènes vont encore s’accentuer si rien ne change vraiment. Le coût de l’inaction est et sera évidemment bien plus élevé que celui de l’action. A défaut de mesures radicales, ce des centaines de millions de réfugiés climatiques seront dénombrés d’ici 2050.

La France, qui accueillera les négociations sur le climat à Paris en 2015, doit donc jouer un rôle de leader pour remettre à l’agenda international ce sujet fondamental et pousser l’Union européenne à faire de même.

Au plan national, le débat sur la transition énergétique ou encore la fiscalité écologique sont autant de moyens d’agir. D’autant que lutter contre les changements climatiques, investir dans les économies d’énergie et les énergies renouvelables sont, en période de crise économique, autant de leviers pour doper le pouvoir d’achat et la création d’emplois. »

 

 

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19 juin 2013 3 19 /06 /juin /2013 21:26

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Le communiqué du 18 juin d’Europe Écologie les Verts

logo eelv nouveau

« Le Premier ministre turc attise le conflit

 

EELV condamne l’intervention de la police stambouliote qui a délogé violemment les occupants de la place Taksim. Ces violences ne sont pas les premières, puisque les associations de droits de l’Homme parlent d’au moins quatre morts, de centaines de blessé-es et d’autant d’arrestations. La répression de samedi soir a été au-delà du spectaculaire jusqu’à l’ignoble, la police poursuivant les blessés jusqu’aux hôtels où ils s’étaient réfugiés.

Pourtant, le Premier ministre, contesté au sein même de son gouvernement, semblait avoir reculé devant la mobilisation qui s’étendait à tout le pays. Des syndicalistes comme des islamistes modérés s’étaient d’ailleurs joints au mouvement remettant en cause, en plus de sa politique urbanistique, son autoritarisme, son régime liberticide et le capitalisme sauvage qui sévit dans le pays.

Après avoir affirmé que le projet serait abandonné, Recep Tayyip Erdogan a donné l’ordre d’évacuer sans ménagement le parc Gezi et ses environs. Dans le même temps, il appelait ses partisans à manifester le jour même leur soutien à sa politique.

 EELV regrette que, loin d’apaiser les esprits, le chef du gouvernement turc semble rechercher l’épreuve de force. Les écologistes appuient les revendications des manifestants et demandent à l’Europe, qui a sa part de responsabilité dans la situation, d’intervenir pour favoriser une sortie démocratique du conflit. En effet, si les promesses de l’Union européenne d’intégrer la Turquie avaient contribué à « l’institutionnalisation» du parti majoritaire islamo-conservateur (AKP, parti pour la justice et le développement), ses voltefaces ont créé frustration et rejet, favorisant le retour au rigorisme traditionaliste et autoritaire.

Elise LOWY, Jean-Philippe MAGNEN, Porte-paroles »

 

 

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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 09:11

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Un article de notre ami écolo Fabrice Nicolino, paru dans Charlie Hebdo le 5 juin 2013 et publié le 12 juin 2013 dans Planète sans visa :

« De gros glaçons pour le Qatar

Pour Jean-Gabriel, évidemment, qui m’a mis sur la piste

En prévision de la Coupe du monde de foot de 2022, le désertique Qatar cherche de l’eau. Et il attend les premiers containers remplis de l’eau des glaciers de Patagonie chilienne. La mondialisation, c’est simple comme un verre d’eau.
Sècheresse au Chili, glaçons de Patagonie et coupe du monde de foot au Qatarchili-patagonie-glacier-san-rafael-2-jpg.jpg

Le Chili va vendre de la flotte au Qatar, qui prépare la coupe de monde de foot de 2022. Là-bas, c’est le désert, n’est-ce pas, et l’on va donc importer. Pas des bouteilles d’eau, mais des blocs de glace préalablement fondus, puis embarqués. Par la mer – forcément -, compter entre Punta Arenas (Chili) et Doha (Qatar) 14 371 kilomètres.

Pour bien saisir ce qu’est devenu le Chili, rendons hommage à son président actuel, Sebastián Piñera. Ce type a tout du Berlusconi : il a 2,5 milliards de dollars en fouille, il tient ou a tenu la chaîne de télé Chilevisión, la compagnie d’aviation LAN Airlines, le club de foot de Santiago Colo-Colo. Parti de rien, Piñera a prospéré sous le règne de Pinochet, quand les Chicago Boys – des économistes ultralibéraux – menaient le pays.

Les glaçons. En Patagonie chilienne, à l’extrême sud, on trouve un pays de glace de presque 17 000 km2, Campo de Hielo Sur. C’est bien joli, mais à quoi ça sert ? Le 11 mai, le quotidien du Qatar Gulf Times (1) annonce avoir recueilli les confidences de l’ambassadeur chilien Jean-Paul Tarud, de passage à Doha. Pour lui, les glaciers qui perdent leur eau douce en mer, par la fonte, c’est con. Il faut que le privé fasse quelque chose, car « les champs de glace du sud du Chili sont une vaste réserve d’une des eaux les plus pures au monde ». Et le journal de préciser qu’un premier envoi est prévu prochainement.

Les réseaux Twitter et Facebook chauffent d’un bout à l’autre de ce foutu pays, long de plus de 4 000 kilomètres. Devant l’ampleur de la protestation, Tarud dément ses propos et jure que le journal a brodé. Mais l’on apprend bientôt qu’une boîte privée, Waters of Patagonia, dispose de droits sur une partie du glacier géant, et qu’elle compte en profiter. Au reste, depuis que cette canaille de Pinochet a privatisé l’eau en 1981, rien n’empêche un « propriétaire » de l’eau de faire ce qu’il veut avec son« bien ». Avis sans frais de l’avocat chilien Winston Alburquenque, spécialiste des ressources naturelles : « Si vous le voulez, vous pouvez la prendre, la mettre dans des containers, et ensuite l’exporter ».

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Le Chili va vendre ses glaciers, et dans le même temps, se contrefout des sécheresses bibliques qui ravagent le Centre et le Nord. En 2007, en 2008, en 2010, en 2011, en 2012, en 2013 – malgré de récents orages -, l’absence d’eau a ruiné sur place quantité de paysans et tué les animaux sauvages et domestiques par centaines de milliers. Dans la seule vallée de Huasco, environ 30 % du bétail serait mort au cours de l’année 2012.

Gloire donc au flegme de Rodrigo Ubilla, sous-secrétaire d’État à l’Intérieur, et « délégué présidentiel à la sécheresse » du grand Sebastián Piñera. En visite dans la zone la plus dévastée – autour de Coquimbo -, ce plaisant monsieur aux pouilleux de paysans qu’ils feraient bien « de se reconvertir dans cette activité très dynamique qu’est la mine ». Le propos n’a pas fait plaisir à tout le monde, mais dit la vérité sur Piñera et sa bande.

Chuquicamata, au nord, est la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert au monde, et reste la propriété de l’État depuis qu’un certain Salvador Allende, renversé par Pinochet en 1973, l’a nationalisée. Une manne pour les politiciens : le cuivre représentait 56,7 % des exportations chiliennes en 2010.

Dans ces conditions, on ne chipote pas. Grosses consommatrices d’eau, les mines passeront toujours avant les pedzouilles. Or, il faut 60 mètres cubes d’eau pour extraire une tonne de cuivre. Et beaucoup, beaucoup d’électricité. En Patagonie, là même où l’on vole la glace, un projet de cinq grands barrages hydroélectriques - Aysén – risque de détruire à jamais le paysage. L’électricité produite – 35 % de la consommation de tout le Chili en 2008 – devrait servir à alimenter les mines du Nord, par des lignes à haute tension. On n’arrête pas le futur (2).

(1) http://www.gulf-times.com/qatar/178/details/352150/qatar-could-import-fresh-water-from-chile
(2) On n’arrête pas le futur est le principal slogan de la Fédération française des travaux publics. 
»

 

 

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11 juin 2013 2 11 /06 /juin /2013 10:50

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Le 10 juin 2013 Rue 89 a publié cet article :

« La « femme en rouge » de Turquie : à chaque révolte son icône

Pascal Riché | Cofondateur Rue 89


Elle semble fragile ; elle est forte. Avec son petit sac, son petit collier, elle n’a l’air de rien ; elle incarne tout. Les jets de gaz lacrymogène ne l’atteignent pas. Elle est la révolte calme, la résistance, le stoïcisme d’un peuple. Elle n’est pas voilée, mais porte une simple petite robe rouge. Rouge, comme le drapeau turc.

On la surnomme « la femme en rouge », la nouvelle icône de la contestation turque. Son image, qui fait le tour du Web, est la meilleure réponse aux accusations proférées par le premier ministre Erdogan contre les manifestants qui les décrit comme des extrémistes « vivant main dans la main avec le terrorisme ».

La photo ci-dessus a été prise par le photographe Osman Orsal, de Reuters, qui a eu la chance – ou le talent, plutôt – de « trouver » la femme-emblème du mouvement. La femme en rouge a un nom, Ceyda Sungur. Elle est spécialiste en développement urbain à l’université technique d’Istanbul et a commencé à manifester pour protester contre l’abattage des arbres du parc Gezi qui jouxte la place Taksim.


Une représentation graphique de la femme en rouge

La photo a donné lieu à des représentations graphiques et a débouché sur un slogan :

« Plus vous nous inondez de gaz, plus on grandit. »

Cette image s’inscrit dans une série : chaque grand mouvement de contestation a son image-icône. Il existe évidemment des liens entre les différentes images, qui s’inspirent également parfois de tableaux célèbres (à commencer par « La liberté guidant le peuple », de Delacroix). Quelques exemples (…) »

 

L’article de Rue 89 : 
http://www.rue89.com/2013/06/10/femme-rouge-turquie-a-chaque-revolte-icone-243157 

Hélène Zanier

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30 avril 2013 2 30 /04 /avril /2013 06:38

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Garder le cap européen, ne pas tomber dans les dérapages nationalistes, tout en agissant de manière cohérente, progressiste et sérieuse par rapport à la rigueur budgétaire qui n’est pas l’austérité. 

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Merci Dany d’exprimer cela avec une voix qui porte.

Nous publions ci-dessous l’interview de Daniel Cohn-Bendit (le 29 avril 2013 par Laure Equy), paru dans Libération :

 « Le coprésident du groupe écologiste au Parlement européen réagit à la polémique autour de la sortie anti-Merkel de Bartolone et du PS et appelle à «établir un nouveau rapport de forces en Europe» au-delà du tête-à-tête franco-allemand. 

Qu’avez-vous pensé de la polémique autour des formules anti-Merkel du texte du PS et des déclarations de Claude Bartolone appelant à une «confrontation» avec Berlin ?

L’erreur est de jouer cette «confrontation» comme un tête-à-tête entre la France et l’Allemagne. L’austérité ou la responsabilité budgétaire, ce n’est pas seulement le choix de l’Allemagne mais aussi des Pays-Bas, de la Finlande, de la Suède, etc. Si François Hollande avait refusé le budget européen, il aurait organisé cette confrontation avec ces pays et avec David Cameron, mais il n’a pas mis son veto [Le budget pour la période 2014-2020 a été voté le 8 février et entérine une cure d’austérité pour l’UE. Berlin et Londres, notamment, ont obtenu une baisse des moyens de près de 11%, ndlr]. L’erreur de Bartolone et du PS est de faire comme si on était obligés de se soumettre à cette politique européenne et à la volonté d’Angela Merkel.

L’austérité que subit l’Europe n’est-elle pas encouragée par l'Allemagne, au premier chef ?

Dire «c’est Merkel», c’est lui donner un pouvoir qu’elle n’a pas, par définition. La chancelière a réussi un tour de passe-passe incroyable en affirmant à son pays: n’ayez pas peur de l’euro car l’euro est allemand. Politiquement, on peut dire que c’est faux, mais tactiquement reconnaissons que c’est un coup de maître! Mener ce débat est donc juste mais le PS, en s’en tenant à cette confrontation stérile, tombe un peu dans la fainéantise intellectuelle. Le PS et le gouvernement français doivent plutôt expliquer quelle est sa stratégie et quels sont ses alliés. Il faut élargir le champ.

Au risque de braquer l’Allemagne ?

Elargir ce n’est pas agir contre l’Allemagne mais établir un nouveau rapport de forces en Europe. En refusant le budget européen, Hollande aurait obligé Merkel, la Finlande, les Pays-Bas à bouger. Mais à l’opposé, les Espagnols, les Italiens, les Grecs aussi auraient dû évoluer. Je reproche à François Hollande de ne pas chercher à élever le débat européen.

Et quelle peut être la «stratégie» alternative à l’austérité ?

Une politique de responsabilité budgétaire est défendable mais seulement si une autre politique se développe parallèlement. L’Europe doit prendre l’initiative d’une croissance «soutenable» ou «intelligente», et engager la transition écologique. Mais pour cela, il faudrait un autre budget européen.

Vous avez dénoncé, en février, un budget « rétrograde, conservateur » qui «ne correspond pas à la nécessité de relancer l’économie par l’Europe». Les Vingt-Sept pouvaient-ils se permettre un budget plus important ?

Résumons le problème: si on augmente le budget européen, on augmente aussi les contributions nationales. Donc il faut, dans cette période particulière de transition, dire que les contributions nationales sont soustraites du déficit. Et il faut reprendre l’idée de la Commission européenne sur la taxe sur les transactions financières, défendue aujourd’hui par onze Etats de l’UE: il s’agit de consacrer les deux tiers du produit de la taxe à réduire les contributions nationales et l’autre tiers serait versé directement au budget européen.

Pourquoi les réactions sont-elles si inflammables dès lors qu’on critique l’Allemagne et la politique d’austérité en Europe ? Le procès en germanophobie contre le PS est-il mérité ?

Il faut changer la politique européenne mais attention à ne pas réveiller de vieux démons. C’est facile et pas très malin de jouer sur un affect que l’on croyait depuis longtemps refoulé. Encore une fois, les arguments sont valables mais la forme les falsifie.

Depuis la France, l’Allemagne est vue soit comme un modèle soit comme un repoussoir. Pourquoi n’arrive-t-on pas à placer le curseur ?

L’un et l’autre sont évidemment trop schématiques. Mais par exemple, ce qui a joué dans le dynamisme de l’économie allemande, c’est de passer de 2 à 22% d’énergies renouvelables en dix ans, avec toutes les modernisations que cela a engendré. La politique de l’Allemagne n’est pas un bloc de marbre, on peut choisir des éléments du modèle. »

Car nous ne souffrons pas de trop d’Europe. Au contraire il faut plus d’Europe, et mieux d’Europe bien sûr et cela passe par le débat.

Pierre Mathon

 

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17 avril 2013 3 17 /04 /avril /2013 07:57

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Le communiqué d’Europe Écologie les Verts du 16 avril 2013 :

 

«La crise qui couve en Corée du Nord, outre qu’elle souligne une nouvelle fois les dérives autoritaires de la dynastie des Kim et la grande souffrance que ces tyrans infligent à leur peuple, met en lumière les limites de l’idéologie nucléariste.

On ne peut d’abord que condamner les atroces gesticulations de Kim Jung-un, dernier rejeton d’une dynastie de dictateurs qui a affamé son pays pour financer son armement, et qui menace aujourd’hui d’employer ses armes nucléaires contre la Corée du Sud… et le reste du monde.

Mais il y a également de sérieuses leçons à tirer de cette crise, et notamment la totale inefficacité des doctrines de l’armement et de la dissuasion nucléaires. On voit bien qu’avec les armes nucléaires, nul n’est à l’abri d’une utilisation délirante ou d’un « accident » technique ou politique… Et que la menace nucléaire d’un grand pays comme les États-Unis ne sert à rien en retour pour obtenir quoi que ce soit d’un petit pays comme la Corée du Nord ou en général d’un adversaire déterminé… Les armes nucléaires n’ont pas d’emploi sensé, « fondamentalement dangereuses, extraordinairement coûteuses, militairement inefficaces et moralement indéfendables », comme l’expliquait en 1996 le général américain Lee Butler, ancien chef du Strategic Air Command durant la guerre froide.

La menace nucléaire, non seulement politiquement aléatoire, contient intrinsèquement un risque indubitable et permanent de basculement dans l’horreur. L’arme nucléaire n’évite ni les crises militaires, ni les guerres. Au contraire, elle les provoque. Sans oublier que s’il attaquait la Corée du Sud, de quelque manière que ce soit, Kim Jung-un pourrait y faire des dégâts immenses et irréversibles en portant ses attaques contre les 23 réacteurs nucléaires sud-coréens.

Cette crise le démontre : il faut d’urgence aller vers un monde sans armes nucléaires. La France s’honorerait à porter le combat de l’abolition des armes nucléaires, une priorité morale et une urgence diplomatique.

Jean-Philippe MAGNEN, Elise LOWY, Porte-paroles 
»

 

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13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 22:19

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« Au Parlement européen de barrer la route à l'austérité et aux populismes »

LE MONDE | 13.03.2013

Par Daniel Cohn-Bendit et Yannick Jadot, députés européens, groupe Les Verts-Alliance libre européenne (Photo : Yannick Jadot et daniel Cohn-Bendit pendant la campagne électorale de 2009 avec Eva Jply)

Les électeurs italiens ont sanctionné la politique exigée par l'Union européenne et menée par le président du conseil sortant, Mario Monti : la rigueur budgétaire sans relance. Au-delà de traditions antiparlementaires que certains veulent voir comme un exotisme spécifiquement transalpin, le constat s'impose aux élites européennes : l'austérité technocratique n'est pas la vision du monde qu'attendent les citoyens.

C'est pourtant cette vision que tentent toujours d'imposer ses dirigeants à l'UE. Car, la crise des dettes souveraines étant passée par là, les égoïsmes nationaux ne se sont jamais manifestés avec autant de cynisme. Pour la première fois, les chefs d'Etat et de gouvernement, transformés en autant de Margaret Thatcher, ont revu le budget de l'Union à la baisse, acceptant les oukases du premier ministre britannique, David Cameron, et de la chancelière allemande, Angela Merkel, succombant aux marchandages indécents du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy.

Le budget européen n'est pas celui d'un 28e Etat supranational. C'est avant tout un budget de solidarité, de redistribution et d'investissement. En refusant de se doter d'une capacité commune de relance, ces dirigeants ne nous infligent pas seulement l'austérité, ils nous empêchent de reconquérir à l'échelle européenne une partie de la souveraineté abandonnée depuis des années aux marchés et à la finance.

Précisons que ce budget ne représente que 1 % du produit intérieur brut (PIB) de l'UE, vingt-cinq fois moins que le budget fédéral des Etats-Unis. Le réduire serait une nécessité ? Risible. Couper dans les budgets consacrés à la recherche et à l'innovation, à la cohésion, aux réseaux européens d'énergie, de transport et de télécommunication, au verdissement de la politique agricole commune et à la solidarité internationale relèverait de l'intérêt général ? Ridicule.

La parodie de souveraineté nationale que jouent nos dirigeants nous condamne à la victoire des populismes de droite comme de gauche - qu'ils se parent de bonnets phrygiens ou de marinières. Quoi de plus facile que de s'engouffrer dans l'espace béant de désillusion démocratique qui se creuse entre les discours forgés dans le repli national et la réalité des pouvoirs tels qu'ils sont exercés par les Mittal et autres géants multinationaux, d'un côté, et les Depardieu anonymes, de l'autre ?

Pendant que les premiers jouent du chantage permanent à l'emploi pour récolter les subventions publiques tout en restructurant mondialement leurs activités, les seconds jouent de la concurrence fiscale entre pays de l'UE. Tous piétinent l'idée même d'une fiscalité européenne juste et progressive, et imposent à des Etats impuissants leurs logiques de dumping social, environnemental et fiscal.

L'exemple italien, après beaucoup d'autres, démontre que l'approche gestionnaire du statu quo libéral ne nous sauve ni de l'échec ni de la montée des extrêmes qui l'accompagnent inéluctablement. Faut-il que nos imaginaires politiques soient à ce point marqués par l'espace national pour que nos dirigeants fassent le choix du renoncement face aux marchés plutôt que celui d'une souveraineté partagée ? Qu'ils préfèrent miser sur toujours plus de libéralisme, plutôt que sur la régulation et une relance de l'économie par l'investissement durable ? Ces dirigeants réalisent-ils qu'en se privant d'un budget européen ambitieux, après avoir imposé aux Etats une discipline fiscale exercée par la seule Commission européenne, ils coupent la branche démocratique sur laquelle ils sont assis ?

Parce qu'il a le pouvoir de voter contre le budget proposé par le Conseil, le Parlement européen a rendez-vous avec l'Histoire. Sa longue marche en avant entamée en 1979 le conduit à avoir le sort de la démocratie européenne entre les mains. Elu par les Européens, il a les moyens de s'opposer à la thérapie de choc imposée par des Etats oublieux de leurs devoirs. Il a les moyens de refaire de l'UE un espace démocratique.

La reconquête portée par le Parlement serait donc double. Face aux marchés d'abord, pour redonner à la politique le pouvoir d'agir au service des citoyens. Cela passe par un budget plus ambitieux et des politiques adaptées : mutualisation des dettes, harmonisation fiscale, ressources propres, pacte social de solidarité, lutte contre le dérèglement climatique, engagement d'une troisième révolution industrielle fondée sur la transition écologique. C'est le moment de se défaire de tous les conservatismes et de renouer avec le progrès et la prospérité partagée.

Face aux Etats ensuite, qui voudraient faire croire que préserver le monde ancien relève du courage politique et qui, plutôt que d'assumer leurs décisions, préfèrent doter la Commission européenne de pouvoirs immenses sans aucune contrepartie démocratique ! Le Parlement doit assumer la codécision budgétaire et proposer les modalités d'un contrôle démocratique dans lequel se reconnaissent les citoyens européens.

Le combat pour la démocratie européenne est engagé au Parlement. Mais déjà, en France ou ailleurs, les députés européens subissent les pressions de leur gouvernement pour obtenir allégeance à la politique nationale, et les discours proeuropéens enflammés d'hier commencent à se diluer dans d'improbables explications.

Le groupe des Verts-Alliance libre européenne (ALE) refuse le sacrifice de l'Europe et défendra le droit du Parlement de voter non, pour forcer une renégociation. Après le fiasco italien, il en a plus que jamais le devoir !

Daniel Cohn-Bendit et Yannick Jadot, députés européens, groupe Les Verts-Alliance libre européenne »

 

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10 mars 2013 7 10 /03 /mars /2013 15:05

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Pour nourrir le débat sur le régime d’Hugo Chavez, après le communiqué d’EELV et 2 articles d’Alain Lipietz, et avant qu’il ne soit embaumé, nous publions ci-dessous une tribune de Marc Saint-Upery, parue dans Le Monde du 4 octobre 2012.

 

Sévère, mais juste.

 

Pierre Mathon

« Un antimodèle à gauche

Par Marc Saint-Upéry, essayiste et traducteur

 

Présenter aujourd'hui l'expérience chaviste comme une inspiration pour la gauche européenne est tout simplement une escroquerie intellectuelle. Si l'on prétend débattre du Venezuela, mieux vaut ne pas substituer à une analyse sérieuse des demi-vérités propagandistes glanées lors de visites guidées dans les villages Potemkine du cirque bolivarien.

Observateur et militant sur le terrain des processus politiques et sociaux sud-américains depuis quinze ans, je suis aussi électeur du Front de gauche. C'est à ce double titre que je souhaite apporter mon point de vue.

Bénéficiaire de la plus abondante manne pétrolière de son histoire, le Venezuela a engagé à partir de fin de l'année 2003 une politique de réduction de la pauvreté méritoire mais très problématique dans ses méthodes comme dans sa substance.

Elle se heurte depuis cinq ans à des limites intrinsèques tandis que persistent ou s'aggravent des problèmes aigus d'insécurité, d'inflation, de logement et de sous-emploi. Quant à la marche vers le "socialisme", signalons simplement que la part du secteur privé dans la formation du PIB vénézuélien a en fait augmenté sous les mandats d'Hugo Chavez.

Parallèlement à la décadence avérée des "missions" bolivariennes - brièvement revitalisées à coups de pétrodollars avant chaque élection -, ce qui fait défaut, c'est une véritable politique sociale articulée à une réforme cohérente de l'appareil d'Etat. Le social, au Venezuela, ce sont des opérations de commando extra-institutionnelles, sans horizon soutenable défini, parfois militarisées, ou bien directement gérées par un Etat étranger en échange de cadeaux pétroliers.

Nul besoin de prêter l'oreille à la propagande de la droite locale pour comprendre comment cette politique velléitaire s'inscrit dans la logique perverse du pétro-Etat vénézuélien. Dans un document datant de 2011, le Parti Communiste vénézuélien, allié discrètement réticent d'Hugo Chavez, signale que non seulement "le modèle de capitalisme dépendant rentier et improductif dominant dans notre pays se perpétue, mais qu'il se renforce".

On ne constate "aucun progrès en matière de diversification de l'économie" mais au contraire un grave approfondissement de sa dépendance - technologique et alimentaire en particulier - et le triomphe d'une bourgeoisie importatrice parasitaire.

Les communistes vénézuéliens soulignent en outre que les initiatives économiques de type coopérative ou "entreprise de production sociale" promues marginalement par le régime ont "très peu de succès" - un euphémisme poli vu les désastres observables sur le terrain.

Dénonçant les dégâts de l'hyperprésidentialisme et l'absence totale "d'instances de direction collective ", ils décrivent l'Etat bolivarien comme "hautement inefficace", constatent une "intensification de la corruption" et déplorent, à côté d'avancées sociales partielles et fragiles, une véritable "régression en matière de planification, de coordination et de prestation d'une série de services publics fondamentaux". Conclusion : "On ne peut plus occulter le fossé entre le discours "socialiste" de certains acteurs gouvernementaux et la pratique concrète du gouvernement, et la tension qui en résulte atteint un point critique."

C'est le même diagnostic qu'émettent les nombreuses organisations politiques et sociales de gauche et les dizaines de milliers de militants progressistes honnêtes qui, ces dernières années, ont pris leurs distances à l'égard du processus bolivarien. Aussitôt traités de "traîtres" et d'"agents de l'Empire" par les sbires du régime, ils ont pourtant cent fois raison de dénoncer ses contradictions criantes et la culture politique ultra-autoritaire constamment réaffirmée par la voix de son maître : "J'exige la loyauté absolue envers mon leadership. Je ne suis pas un individu, je suis un peuple... Unité, discussion libre et ouverte, mais loyauté... Tout le reste est trahison." (Hugo Chavez, janvier 2010.)

Résumons. Sur le plan social, aux efforts redistributifs des années 2004-2006 - passablement erratiques mais ayant eu le mérite de mettre la question sociale au centre du débat politique - a succédé une phase de stagnation liée aux gravissimes dysfonctions d'un Etat rentier colonisé par la boliburguesía (la "bourgeoisie bolivarienne").

Sur le plan économique, on constate l'approfondissement vertigineux d'un modèle parasitaire, dépendant et corrompu que Chavez n'a pas inventé, mais dont il a porté à l'extrême tous les traits les plus néfastes. Sur le plan international, il y a longtemps que tout le monde sait en Amérique latine que, du fait de ses incohérences et de son histrionisme stérile, Chavez a perdu la bataille du leadership régional.

Le discours "anti-impérialiste" du régime, dont les relations pétrocommerciales avec les Etats-Unis sont excellentes, se résume à un soutien indéfectible et tonitruant à Mouammar Kadhafi

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Bachat Al-Assad, Mahmoud Ahmadinejad

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ou Alexandre Loukachenko. Qui plus est, Chavez est pathétiquement dépendant des multinationales brésiliennes et mange dans la main de son "meilleur ami", le président colombien Juan manuel Santos, allié crucial de Washington.

Au niveau des pratiques institutionnelles, le gouvernement de Chavez n'est certes pas une dictature, mais, pour prendre une comparaison européenne, sur un gradient d'autoritarisme manipulateur qui irait de Silvio Berlusconi à Vladimir Poutine, il est très proche dans ses méthodes et son esprit d'un régime comme celui de Viktor Orban en Hongrie.

Justice aux ordres, criminalisation des mouvements sociaux et du syndicalisme de lutte (les "affaires Tarnac" de Chavez se comptent par dizaines), incarcérations arbitraires, interdictions professionnelles, confusion systématique du parti et de l'Etat, mépris des mécanismes et des garanties définis par la Constitution bolivarienne, tolérance complice de la corruption dans les rangs du pouvoir et protection éhontée des nouveaux riches au service du régime, la liste des abus et des violations est copieuse.

Enfin, en termes d'éthique militante, Chavez et son parti croupion incarnent un modèle hyper-caudilliste caractérisé par ses tendances mafieuses et son charlatanisme idéologique.

Malgré une érosion électorale constante depuis 2007, Chavez conserve suffisamment de capital charismatique pour gagner les élections, et les Vénézuéliens ont le droit de choisir leurs dirigeants sans ingérences extérieures ni campagnes de diabolisation. Mais sur le fond, le "modèle" bolivarien est exactement le contraire de ce à quoi devrait aspirer une gauche digne de ce nom.

Essayiste et traducteur, Marc Saint-Upéry est l'auteur du "Rêve de Bolivar : le défi des gauches sud-américaines" (La Découverte, 2007) »

 

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