Dans un communiqué, Maïna JOUYAUX conseillère Municipale de Bagnolet, déléguée au Droits des Femmes & Lutte contre les Discriminations, a publié l’essentiel de son intervention, prononcée au conseil Municipal du mercredi 17 décembre 2014. Ne figurent toutefois pas certains propos dont le triste et fameux « J’aurais pu dire la même chose que Jimmy Parat … »
« Pour que les choses soient claires, il m’apparait nécessaire de rappeler que je me désolidarise complètement des propos qui ont été tenus par Monsieur Jimmy Parat lors du conseil Communautaire au sujet de l’IVG. Néanmoins, il me semble essentiel de préciser que, si je condamne ses propos, je ne le renie aucunement en tant que collègue.
Son erreur a été de parler à titre personnel sans avoir été appelé à le faire. Comment alors lui jeter la pierre, sachant que c’est une erreur qui aurait très bien pu être mienne (sur un autre sujet). En effet, tout comme lui le fait de devenir une personne publique dans le monde politique est très nouveau et, qu’on le veuille ou non, l’apprentissage et la compréhension des nouveaux codes que nous devons désormais suivre ne sont pas si évident et cela peut nous amener à faire des erreurs.
Pour autant, cela ne veut pas dire que je prends ce sujet à la légère.
Oui, ça m’a fait mal d’entendre la déclaration de Jimmy au sujet de l’avortement.
Comme beaucoup de monde, j’en ai eu la nausée. Mais j’ai également été rassurée, j’ai été rassurée de voir une levée de boucliers, de voir nombre de personnes soucieuses de défendre ce droit essentiel à la dignité des femmes.
Néanmoins, la situation m’a semblé déraper gravement.Certains, conscients de la portée de leurs dires, ont fait le lien entre les propos de Jimmy et sa confession religieuse. D’autres remettent tout simplement en question le citoyen et la personne qu’il est, éclaboussant par la même occasion sa famille et ses proches.
Car à coté de celles et ceux qui ont été très justement choqués par ces déclarations, il y a toujours les mêmes vautours insatiables, ravis de voir un autre déraper et chuter.
Ainsi, je tiens à affirmer que Jimmy Parat est un collègue d’une grande honnêteté, entier, présent dès le début de la constitution du groupe Dynamique Citoyenne, travaillant dur et toujours avide d’apprendre, afin d’être le plus compétent possible dans les fonctions qu’il occupe. C’est pour cela que je continuerai de soutenir, car à mon sens, se passer de lui constituerai une action regrettable.
Et, je l’avoue, je ne peux m’empêcher de déplorer de voir que, malgré ses excuses et son repenti sincère, malgré ses compétences en tant que conseiller municipal, il semble qu’on le condamne à jamais. Cela est d’autant plus choquant, alors même que certains des membres de l’ancienne municipalité, ne présentant ni semblables qualités professionnelles, ni repenti quelconque, continuent de gambader allègrement, impunis et sans aucune gêne, et ce parfois même jusqu’à l’enceinte de ce conseil municipal.
L’erreur de Jimmy a été de donner un avis personnel là où ce n’était en aucun cas pertinent de le faire, mais penser ce qu’il pense reste son droit, même si je comprends que cela puisse choquer. Et si, pour Jimmy,son avis résulte directement d’un traumatisme propre à son vécu, il ne faut pas occulter les irréductibles gaulois qui continuent de désapprouver, avec plus ou moins de force, le droit des femmes à avorter et à disposer de leur corps.
Et pour être parfaitement honnête, j’irais jusqu’à dire qu’à mon sens, ses propos ont eu des répercussions positives sur ma délégation, car ils reflètent une réalité que beaucoup ne veulent pas voir.J’ai été assez étonnée par la force des attaques qui se sont abattues sur lui suite à son intervention. Non pas parce que ce n’était pas justifié, mais parce qu’il m’a semblé que beaucoup ont eu le sentiment qu’à lui seul, il menaçait le symbole bien protégé d’une société française libre et soucieuse du Droit des Femmes, comme si, avant les mots terribles qu’il a prononcé, annonçaient à eux seuls le déclin de la loi Veil. A ceux qui pensent ça, je leur dis : vous vous êtes fourvoyés, et la réalité est tout autre.
Bien avant sa déclaration, ce sont les gouvernements successifs qui, en considérant le droit à l’IVG comme un acquis, ont cessé de le protéger. Comment expliquer sinon qu’il y ait à ce jour moins d’une dizaine de cliniques pratiquant l’IVG en Ile-de-France, contre plus d’une vingtaine il y a vingt ans et ce, alors même que le taux d’avortement n’a pas diminué ?
Ce sujet n’intéressait-il plus l’opinion publique ? Est-il devenu trop redondant, désuet ?
Il semblerait que parfois, lorsque l’on considère quelque chose comme acquis, on cesse d’éduquer, on cesse d’informer, on cesse d’être vigilants à ce que ce droit soit appliqué dans de bonnes conditions.
Au final, peu importe que certains aient eu besoin qu’un scandale ait lieu pour soudain prendre conscience de la fragilité des Droits des femmes en France.
En tant que femme, que féministe et que conseillère municipale de Bagnolet aux Droits des Femmes, je ne peux qu’espérer que ces boucliers, si vivement brandis, ne se baisseront pas une fois de plus après le scandale passé et qu’ils seront encore là lors de toutes les luttes que devront affronter les bagnoletaises pour pouvoir un jour se dire les égales des hommes aux yeux de la société.
Ainsi, je tiens non seulement à réaffirmer mon soutien inconditionnel au droit des femmes à disposer de leurs corps, mais je souhaite, et j’agirais de la sorte dans ma délégation, maintenir un état de vigilance permanent.
L’orientation prise en début de mandat pour cette délégation est donc à mon sens plus pertinente que jamais puisqu’il s’agit de mettre en évidence le décalage persistant entre la reconnaissance du droit à l’égalité femme/homme et son application réelle et effective. De faire prendre conscience au travers de diverses actions que ces inégalités sont le résultat de constructions sociales qui se fondent sur de nombreux stéréotypes présents dans la famille, l’éducation, la culture, les médias, le monde du travail, etc … autant de domaines dans lesquels il nous semble possible d’agir en adoptant une approche nouvelle et en opérant des changements structurels.
Avant de clore mon intervention, je souhaite juste rajouter que, suite à cet évènement, une action avec le centre de santé va être mise en place dans le but de lancer une vaste campagne d’information et de prévention. Des actions seront menées dans ce même sens auprès des collèges, lycées et centres de quartiers afin que les bagnoletaises aient en main toutes les informations et le soutien nécessaire face à cette décision difficile pour toute femme qu’implique le choix d’avorter. »
Pour que les choses soient claires, il nous paraît scandaleux que l’on puisse de la main gauche se réclamer du droit des femmes et de la main droite couvrir des propos d’extrême-droite d’un élu de sa majorité municipale et d’attaquer celles et ceux qui combattent ces propos ! Tout cela n’est à l’honneur ni de « Dynamique citoyenne », ni du maire PS de Bagnolet. Et que les choses soient claires le combat féministe pour le retrait de la délégation bagnoletaise de Jimmy Parat et sa démission ne cessera qu’au retrait de sa délégation et à sa démission.
Bonne année 2015 !
Pierre Mathon
