Nous publions ci-dessous une tribune libre de Gilles Wallis, animateur du conseil de quartier de la Dhuys, qu’il a intitulé
« QUARTIER DE LA DHUYS, PLAN LOCAL D’URBANISME : À MODIFIER d’URGENCE !
https://mail.google.com/mail/u/0/#sent/14a9ab6cb6e1fef3?projector=1 ».
Contribution particulièrement intéressante au débat qui va s’ouvrir, avec retard, sur le PLU de Bagnolet, puisque la municipalité, après s’être engagée sur une révision, a traîné pour finalement annoncer qu’elle ne lancerait au conseil municipal de janvier (avec 8 mois de retard) uns modification (et non une révision, qui, à la différence de la modification, permet des changements plus importants par rapport au PLU d’Everbecq et aussi de surseoir à statuer sur les permis de construire).
Quoi qu’il en soit, voici la tribune libre de Gilles Wallis :
« La loi Alur impose la disparition du Coefficient d’Occupation des Sols dans tous les PLU. Pour certaines zones de Bagnolet, comme le centre ville cela n’a aucun incidence : le PLU local l’avait déjà supprimé. Mais pour la Dhuys, c’est un vrai bouleversement car cette disparition déséquilibre complètement les règles, en permettant une densification très au-delà de ce que Marc Everbecq avait déjà programmé en supprimant la protection des fonds de parcelle et en autorisant des hauteurs de constructions disproportionnées par rapport au tissu pavillonnaire (13m de façade et 19m de plafond !).
Prenons un exemple concret : rue des Pernelles, la « parcelle Renault », 800m² environ. On pourrait désormais y construire 2500m², soit plus de 30 logements en R+5 (suivant le principe d’aménagement schématisé à la fin). Dans la même rue, deux autres parcelles appartenant à un propriétaire décédé font un total de 450m² environ, on pourrait y faire plus de 10 logements. Au total, la rue pourrait accueillir plus de 150 habitants de plus, le doublement du nombre actuel. Sans parler de l’opération COGEDIM, et ses 30 logements, mais elle a du plomb dans l’aile…
Ailleurs, dans le quartier, rue du Pinacle, rue Michelet, 93 avenue de la Dhuys, d’autres parcelles pourraient également voir pousser des constructions de ce type.
Si l’on fait la somme des opérations en cours sur le quartier (SOGEPROM, Bouygues, Landowski), on totalise 180 logements. Si l’on ajoute les projets potentiels, avec la contrainte du COS levée, on arrive facilement à 300 logements. Le projet IDF IMM abandonné, mais pour combien de temps, avait 95 logements à lui seul.
Cela ferait globalement une augmentation entre 1500 et 2000 personnes comparé aux 7000 du quartier, 25% de densification. La densification n’est donc pas du tout marginale. Quelles pourraient être les conséquences d’une telle densification, et en avons-nous les moyens ?
Les impacts de la densification
Voirie : les rues sont étroites et la circulation difficile Le stationnement automobile est déjà saturé. Même si les contraintes de places de parking du PLU sont respectées, il y aura toujours des véhicules hors de leurs stationnements, sans compter les visiteurs et la pratique de plus d’un véhicule par foyer qui reste fréquente, même en petite couronne.
Et dans un quartier de petites rues étroites, l’incidence des chantiers de construction est considérable. Dans les années à venir, ça sera galère.
Equipements : les places en écoles et en crèche déjà rares, ne vont pas s’arranger. Une future école est prévue en centre ville, mais sera-t-elle suffisante, sans parler des déplacements (dont la traversés dangereuse de l’avenue Gambetta). Ne parlons pas de la maison de quartier qui n’existe toujours pas.
Transports publics : la Dhuys, l’un des quartiers le plus peuplés de Bagnolet, mais c’est le parent pauvre des transports. La population est très concentrée au cœur, le long de l’avenue de la Dhuys, le point le plus éloigné de tout transport. La ligne 76 est l’une des plus erratiques. Les métros et le tram sont éloignés (plus de 10 mn). Seule la prolongation de la ligne 11 constitue une bonne nouvelle. Loger sans transporter, à quoi bon !
Déplacements piétons :c’est l’un des gros points noirs : trottoirs étroits, encombrés, défoncés, bancals. Pas moyen de se déplacer si l’on est handicapé ; les poussettes doivent se croiser sur la chaussée. Plus d’habitants, c’est des trottoirs plus larges ! On n’est pas contre la marche à pied, c’est bon pour la santé, la convivialité, l’animation, encore faut-il la faciliter.
Quant aux espaces verts : la Dhuys est, avec les Coutures, le quartier le plus mal loti On y a plus d’arbres, c’est vrai. Mais, c’est facile, à part le jardin Guinguette, rien…Certains diront qu’on a nos jardins. D’abord, c’est pas pour tout le monde, et avec l’ombre d’une façade en R+5, pas question de bain de soleil. Où trouver un espace pour en créer un, et à quel prix, la question mérite d’être posée. Loger sans respirer ?
Les commerces de proximité. Là encore, notre quartier est particulièrement mal desservi : toutes les boutiques sont en périphérie (Avenue Gambetta, Avenue Pasteur, Rue de Noisy le Sec). C’est vrai, il y a Lidl, ça fait envie, sinon, reste Franprix, si vous n’êtes pas désespérés. Sinon, on encourage les habitants à prendre leur voiture pour aller faire des courses…Ce qui veut dire que si projet immobilier il y a, il faudrait réserver des zones d’activités commerciales, même si ça ne se décrète pas.
BagnoLAID ? Bien sur, ne parlons pas des questions esthétiques qui semblent être absente du débat public. Comme si la laideur de la façade aveugle d’un immeuble ne faisait pas partie de la responsabilité publique. Certes, des horreurs, dans le quartier, il ya en a pas mal, c’est pas une raison pour en rajouter.
Et enfin, tous ceux qui ont la chance d’avoir un bout de jardin, une vue dégagée, ou une fenêtre ensoleillée devront comprendre qu’ils sont des affreux privilégiés. Le prix à payer pour avoir l’honneur d’être un futur résident du Grand Paris est de renoncer à ces plaisirs mesquins. Ils devront s’élever, comme les autres Parisiens, vers les hauteurs dégagées des immeubles s’ils veulent continuer à respirer le bon air. Loger sans bronzer ?
Vu par un énarque dans le confort des ors de la république, la densification de la petite couronne s’impose comme une évidence, pour éviter l’étalement urbain. Si on envisage de raser le quartier à la chinoise, c’est faisable. Mais, autrement, il faut y réfléchir plus sérieusement, et surtout plus concrètement.
Le PLU, dans ses règles actuelles, permettrait d’accueillir un nombre de nouveaux habitants très important. La somme des investissements nécessaires pour les accueillir dans des conditions de vie honorables et pour maintenir une qualité de vie des résidents actuels, est considérable si l’on intègre tous les impacts. Est-ce que notre ville a aujourd’hui les moyens matériels et financiers de densifier ainsi le quartier ? Je pense que non.
C’est la raison pour laquelle, il est urgent de modifier les règles du PLU pour faire face à la disparition du COS : en permettant une densification aberrante, elle menace les conditions de vie des 7000 habitants de la Dhuys.
Quelles règles modifier ?
Je vois au moins trois règles :
En premier lieu, la hauteur maximale des constructions doit être réduite à R+2 pour simplement ramener la densité de construction permise à un COS plus raisonnable. On pourrait aussi définir des gabarits de rue spécifiques pour tenir compte de l’existant, pour fixer localement des hauteurs supérieures. Un calcul grossier montre que le COS maximal passerait de 3,3 dans les conditions actuelles à 1,8, ce qui densifie déjà énormément.
En second lieu, il faut réintroduire des mesures de protection des habitations et des jardinets en fond de parcelle. Avec une hauteur réduite, on améliore la situation, mais il faudrait aussi modifier les règles de prospect (passer de H/2 à H/1,5 par exemple) pour garantir une cohabitation harmonieuse des nouvelles constructions et des pavillons et jardins avoisinants. De nouvelles règles de prospects sont sans doute à définir.
Enfin, revoir la question du nombre de places de stationnement et de la création de locaux d’activité pour favoriser le commerce de proximité.
La restriction de la densification aurait aussi pour conséquence de réduire la pression immobilière. Les propriétaires d’activités seront moins tentés de vendre leurs locaux aux promoteurs (comme M. Landowski). Car le paradoxe est qu’en densifiant n’importe comment, on fait fuir les petites activités industrielles de la petite couronne. Du coup, les emplois locaux disparaissent ou il faut se rabattre sur les activités possibles dans les bureaux inoccupés comme aux Mercuriales. Est-ce que c’est ce que l’on veut ?
Si l’on veut préserver le caractère et les conditions de vie du quartier, avant l’échéance du Grand Paris, il est urgent que les citoyens s’emparent du sujet du PLU. C’est pratique de dire que c’est « très technique », ça dissuade de s’y investir. Et ce n’est pas la pseudo-démocratique enquête d’utilité publique qui suffit. N’attendons pas que l’on nous demande notre avis, faisons des propositions concrètes sans plus attendre, dans le cadre du conseil de quartier, ou sous la forme d’un atelier d’urbanisme. Nous avons la chance d’avoir dans le quartier des urbanistes et des architectes qui se sont déjà investis sur ces sujets, la connaissance ne manque pas. Il y a urgence.
Gilles Wallis, décembre 2014.
Ref 1 :http://www.iaurif.org/fileadmin/Etudes/etude_214/nr_383_Apprehender_la_densite_2.pdf
Ref 2 : la densité urbain en question http://www.aftrp.org/pdf/actes_du_rendez_vous.pdf»
Que le débat soit sur le PLU (À la Dhuys et dans les autres quartiers …) !
Pierre Mathon
