Mais à partir du moment où elle a fait une proposition de bon sens « faire le 14 juillet un défilé citoyen », plus en rapport avec l’esprit de la République et de la Révolution française de 1789, que le défilé militaire, alors parlons-en !
Et d’abord fustigeons la xénophobe réaction du premier ministre (destinée à racoler les électeurs FN) accusant Eva Joly de n’avoir pas une culture très ancienne des valeurs françaises.
C’est vous Monsieur Fillon, qui n’avez pas la culture de ce que représente l’anniversaire de la prise de la Bastille et des valeurs de la République !
Pour le recadrer, voici la façon dont Jean Jaurès décrit la fête de la fédération, le 14 juillet 1780, dans son "Histoire socialiste de la Révolution française" :
« C’est naturellement au 14 juillet 1790 que fut fixée la fête de la Fédération... car c’est le 14 juillet qui avait créé la liberté et qui avait suscité le mouvement des communes révolutionnaires. Elles retournaient pour ainsi dire à ce grand événement comme à leur origine même et à leur centre... Si les ennemis de la liberté et de la Nation continuaient ou étendaient leurs intrigues, une commune isolée ne pourrait rien ; ou elle serait écrasée ou elle serait suspecte. Il fallait donc former comme une chaîne de communes, s’unir, se fédérer aux communes libres et révolutionnaires de la même province, de la même région. [...] Mais comme était grand l’enthousiasme général ! Même les citoyens passifs participaient de toute l’émotion de leur cœur à la grande fête ; ils se sentaient haussés malgré tout avec la Nation tout entière, et je ne sais quelle espérance unanime et quelle unanime tendresse réalisa un moment, malgré la part d’égoïsme et d’oligarchie des institutions nouvelles, l’unité des nations, l’unité de classe... Il y avait dans ces contrastes, dans cet amalgame bizarre des formes anciennes et des pensées nouvelles, je ne sais quoi d’imprévu, de compliqué et de grand... La Fête de la Fédération... ajouta certainement à la force intime de la Révolution dans les âmes, à sa force de rayonnement dans le monde... »
Et pour conclure, il me plaît de citer un autre bi-national, Daniel Cohn-Bendit, qui qualifie (dans une interview au Parisien), l'idée d'Eva Joly de supprimer le défilé militaire du 14 juillet de « proposition de bon sens ». « Le défilé du 14 juillet ne peut pas se résumer à une parade martiale avec seulement des blindés et des militaires. Cela me paraît hors du temps », appuie-t-il. Pour lui, une vraie fête nationale, « ça serait un défilé bigarré et mélangé avec des militaires mais aussi des enfants, des vieux, des Blacks, des Blancs, des ouvriers, des sages-femmes, des profs et des pompiers ». « Et comme hymne, on chanterait tous : «Aux charmes citoyens !», imagine-t-il.
Vive le 14 juillet !
Pierre Mathon