IUT de Saint-Denis : directeur menacé de mort, découverte d'emplois fictifs, malversations financières, salle de prière clandestine...
Que se passe-t-il à l'Institut Universitaire de Technologie de Saint-Denis ?
L'IUT de Saint-Denis est en pleine tourmente. Lundi 19 mai, la radio RTL a révélé que le directeur de cet institut, Samuel Mayol, a reçu une quinzaine de lettres de menaces de mort à caractère islamiste, dans un contexte très troublé par des tensions avec une association musulmane et des soupçons d'emplois fictifs.
D’après RTL, l'envoi des lettres a débuté le 4 février. Une quinzaine ont été postées depuis cette date, les premières reçues à son lieu de travail, ensuite à son domicile. Les avertissements sont à chaque fois anonymes. « Tu vas mourir, toi et tes enfants », peut-on lire sur l'une des premières, écrite avec des lettres découpées dans des journaux. Une autre contient une photo du directeur avec une croix tracée sur le front et le mot « mort ».
Les plus récentes sont écrites en arabe : « J'appelle tous les musulmans à te punir. Tu dois payer, toi, tes proches, tes enfants ».
Deux affaires empoisonnent l'ambiance de l'IUT et expliquent certainement ces menaces.
Le directeur, Samuel Mayol, a mis au jour un système de contrats signés avec des vacataires qui n'ont … jamais donné de cours. D'autres, ont été embauchés pour des matières … qui n'étaient pas au programme.
C’est 4 800 heures qui seraient concernées pour un montant de 200 000 euros ! Le conseil d'administration a alors été saisi et a prononcé la destitution du chef du département, « Techniques commerciales », Rachid Zouhhad. Celui-ci, embauché en septembre 2012, aurait changé, à la rentrée 2013, 60 des 120 vacataires habituels de l'année précédente, certains remplacés par … des proches.
Le Tribunal Administratif de Montreuil, saisi, a validé la destitution de Rachid Zouhhad.
Le directeur de l'institut a également engagé un bras de fer avec l'association « L'Ouverture », qui organise des sorties et des voyages. Les responsables de cette association avaient organisé au sein de l'IUT une vente de sandwiches halal au début de l'année. Cette initiative avait été interrompue par le directeur. Puis l'association avait refusé de partager le local, le seul de l’établissement, avec d’autres associations. Fait troublant, le jour où sa présidente devait rencontrer la direction à ce sujet, une fausse alerte à la bombe provoque l'évacuation totale de l'IUT et du quartier. Lors de la fouille de l'établissement, à l’occasion de cette alerte à la bombe, la police a découvert un sac contenant une cinquantaine de tapis de prière posés contre le mur.
En attendant l’évolution de l’enquête, les professeurs de l’IUT ont signé une pétition de soutien au directeur menacé.
Ces scandales ont des conséquences sur la scolarité des étudiants.
«Tout allait bien au début de l’année scolaire» raconte l’un d’eux. «Mais on a rapidement vu que la situation n’était pas normale».
Matières enseignées qui ne sont pas au programme national, absences à répétition de professeurs... Finalement, les étudiants sont envoyés en stage au premier semestre, alors qu’ils ont normalement lieu en seconde partie d’année. Et pour couronner le tout, le premier semestre, un des étudiants soupçonne l’administration de «trafiquer les notes» pour compenser l’absence de cours et ainsi les augmenter.
Face aux dysfonctionnements à répétition, la situation s’envenime. Des graffitis «Zouhhad dehors» font leur apparition sur les murs de l’établissement et les étudiants font circuler une pétition, massivement signée, réclamant le départ de ce chef de département. Mais au mois de janvier, pas d’amélioration. Les étudiants se voient alors offrir près d’un mois de vacances car l’IUT est incapable d’assurer leurs cours. Seule explication fournie par l’administration: des «restructurations» sont en cours. «C’est le contraire qui s’est passé» s’indigne une étudiante. «On nous envoie un nouvel emploi du temps toutes les semaines mais ça change tous les jours». «Quand on vient ici, on n’est jamais sûr d’avoir cours» rajoute un autre étudiant. «On peut nous demander de venir à 8 h 30 et ne pas avoir cours avant 11 h».
Depuis, Rachid Zouhhad est parti, «remercié» en avril. Mais son départ n’a pas réglé les problèmes car certains enseignants sont partis avec lui. Le professeur de comptabilité, anciennement directeur des études, ne s’est pas présenté aux élèves depuis le mois janvier. «Il soutient ouvertement Monsieur Zouhhad et enchaine les arrêts maladie» s’indignent les étudiants. «Notre nouvelle responsable pédagogique tente d’améliorer les choses», explique une étudiante, sans trop y croire. Pour rattraper le retard, les étudiants du département vont devoir enchaîner les cours dans certaines matières et ils s’inquiètent. «On n’avance pas, on n’apprend rien, on est déçu» disent-ils. La semaine prochaine, ces étudiants devront rendre un dossier pour leur cours de comptabilité. Or, au second semestre, ils ont assisté à leur premier cours de cette matière... hier.
Cette situation ahurissante démontre, à l’évidence, qu’on peut quitter l’Etat de Droit, la démocratie et la République en … quelques mois !
Hélène Zanier