Nos amis poilus de Bagnolet et des Lilas, Henri Herduin et Pierre Millant, fusillés "pour l’exemple"* en 1916 (voir l’article que nous y avons consacré il y a un an), font à nouveau parler d’eux et déclenchent la polémique dans la Meuse entre le Conseil général** et le maire de Verdun.
À quelques jours des commémorations officielles du 11 novembre.
S’il n’y a plus de poilus français vivants, le dernier Lazare Ponticelli*** s’étant éteint le 12 mars 2008 (Tout un symbole : il était Franco-Italien****), il y a encore de quoi se souvenir et réfléchir.
Pierre Mathon
Voici la dépêche de l’AFP du 4 novembre qui en fait état d’une stèle inaugurée près de Douaumont, de la polémique déclenchée par le maire de Verdun:
« Une stèle à la mémoire de deux "fusillés pour l'exemple" inaugurée en Meuse
Une stèle à la mémoire de deux officiers fusillés sans jugement en 1916 pour "abandon de poste" durant la bataille de Verdun a été inaugurée mercredi sur les lieux mêmes de leur exécution, près de Douaumont (Meuse), a-t-on appris auprès du conseil général de la Meuse. Le secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, Hubert Falco, n'a pas participé à cette inauguration dans le village détruit de Fleury-devant-Douaumont (Meuse), en raison, semble-t-il, d'une polémique soulevée par le maire (divers droite) de Verdun, Arsène Lux, sur la réhabilitation collective des "fusillés pour l'exemple" de la Grande Guerre. Le cabinet du secrétaire d'Etat avait expliqué en début de semaine l'absence de M. Falco par un "problème d'agenda". En octobre, la venue annoncée de M. Falco avait été vivement contestée par M. Lux qui, dans une lettre au secrétaire d'Etat, avait jugé "inopportune" la présence d'un membre du gouvernement à la cérémonie, qualifiée de "gesticulation commémorative" du conseil général de la Meuse. Dans une interview publiée mardi par Le Républicain Lorrain, M. Lux avait estimé qu'un débat national devait être engagé sur les "fusillés pour l'exemple" de la Première Guerre et que la stèle de Fleury-devant-Douaumont "individualisait cette problématique".
Les sous-lieutenants Henri Herduin, 35 ans, et Pierre Millant, 29 ans, du 347e régiment d'infanterie, à la mémoire desquels la stèle a été érigée, avaient été fusillés sans jugement "pour abandon de poste" le 11 juin 1916 sur un ordre écrit du colonel commandant la 103e brigade.
Après la Grande Guerre, une longue bataille juridique soutenue par la Ligue des droits de l'Homme avait abouti au rétablissement de la mention "mort pour la France" sur l'acte de décès des deux officiers et à leur réhabilitation posthume par la justice, le 20 mai 1926.
Quelque 800 soldats français ont été fusillés après ou sans jugement en 14-18. Le 11 novembre 2008, Nicolas Sarkozy avait déclaré à Douaumont que "beaucoup" des soldats français "exécutés" "ne s'étaient pas déshonorés", tout en évitant de prendre position sur leur réhabilitation juridique. M. Sarkozy avait alors pris soin de parler de soldats "exécutés", et non de "mutins", en évoquant "ces hommes dont on avait trop exigé, qu'on avait trop exposés et que parfois des fautes de commandement avaient envoyés au massacre". »
* Notre article d’il y a un an :
http://lesvertsbagnolet.over-blog.com/article-24890986.html
Nous concluions par ces mots : « Leur tragique histoire est très symbolique de la grande tuerie que fut la guerre de 1914-1918. Elle est instructive pour les générations futures. Nous demandons par courrier aux maires des Lilas et de Bagnolet de leur rendre hommage (pose de plaques ? Ajout de leurs noms sur les monuments aux morts ? …) avec une initiative marquante lors des prochaines cérémonies de célébration du 11 novembre. »
** Le Conseil général de la Meuse organise une
« Journée d'étude sur le thème "Les Fusillés"
Mardi 10 novembre 2009 au Centre Mondial de la Paix à Verdun
Au cœur de la longue bataille de Verdun, le 4 juin 1916, la 17ème compagnie du 347ème R.I., commandée par le sous-lieutenant Herduin, ainsi que la 19ème compagnie du sous-lieutenant Millant, prennent position dans le secteur de la ferme de Thiaumont. Bombardés durant plusieurs jours, estimant avoir tenu jusqu'au bout de leurs possibilités, les deux officiers replient les restes de leurs compagnies le 9 juin. Sur ordre du général Boyer, commandant la 52ème DI, les deux hommes sont passés par les armes le 11 juin, à Fleury devant Douaumont. Après un long combat juridique, ils sont réhabilités le 20 mai 1926.
A travers le cas de ces deux officiers, il s'agira, au cours de cette journée d'études, d'établir tout d'abord où en est la justice militaire en juin 1916, notamment par rapport aux dérives meurtrières des débuts de la guerre où les fusillés pour l'exemple furent nombreux.
Si le cœur de la journée est consacré à l'affaire Herduin-Millant, il s'agit d'abord et avant tout de la considérer comme un cas contextualisé, notamment après certains mouvements de refus d'obéissance sur le front de Verdun en mai 1916. Il s'agit aussi d'établir des dimensions comparatives, notamment avec l'adversaire de l'époque. Pourquoi l'armée allemande n'a-t-elle pas recours à la fusillade de ses propres soldats ? Pourquoi l'armée italienne y recourt-elle au contraire avec beaucoup de vigueur ?
Cette journée d'étude est organisée par le Centre de Recherche Universitaire Lorraine d'Histoire. »
*** http://www.lemonde.fr/societe/article/2008/03/12/lazare-ponticelli-le-dernier-poilu-francais-est-mort_1022170_3224.html
**** La fameuse « identité française » chère à Sarkozy, Besson …
Franco-italien ? C’est un peu bagnoletais, non ?
Photos: la plaque inaugurée à Reims en 2008 et Lazare Ponticelli
