Nous publions aujourd’hui un extrait du Charlie Hebdo spécial nucléaire, rédigé par Fabrice Nicolino : un portrait de Didier Anger, un des piliers et des initiateurs de la lutte antinucléaire en France.
Photo : Didier Anger lors de la manifestation pour sortir du nucléaire de juillet 2008
Didier Anger a été par ailleurs tête de liste écologiste pour les élections européennes de 1984 : mon premier vote écolo !
Si vous n’avez pas encore acheté ce hors série de Charlie, courrez l’acheter, vous allez, comme nous, apprendre plein de choses et vous ne le regretterez pas.
Pierre Mathon
« DIDIER ANGER SUPERPHÉNIX DES ANTINUCLÉAIRES
S’il n’y en avait qu’un, ce serait lui. Depuis son refuge, tout proche des centrales de Flamanville, Didier Anger casse les couilles du lobby depuis bientôt quarante ans. Et il bande encore.
C’est un roc, c’est un pic, et si c’est un cap, c’est celui de Flamanville, sûr. Didier Anger habite tout près des deux réacteurs de Flamanville (Manche), mis en service en 1986 et 1987 par EDF. Qui construit au même endroit un prototype dit EPR, qui devait cracher du jus dès 2012, mais qui a pris des années de retard. Ouverture en 2016 ?
Anger est un vieux de la vieille, né en 1939. Et un antistalinien de choc, à une époque où ce n’était pas si évident : dès le début des années 1960, il appartient au groupe Socialisme ou Barbarie, créé par des gens comme Cornelius Castoriadis ou Claude Lefort.
Les hasards de l’Éducation nationale — il est prof d’histoire-géo — le conduisent en 1970 au village des Pieux, à quelques kilomètres de Flamanville. Tout va bien, sauf que tout va très mal lorsqu’on commence à parler de nucléaire. Mai 68 est passé par là, et une génération de militants se lève partout en France contre l’atome naissant.
Anger se lance dans la bataille dès 1972, au moment où l’on parle d’étendre l’usine de la Hague dans le Nord Cotentin. Pire : en 1974, les nucléocrates viennent narguer Anger sous son nez en annonçant un projet de centrale à Flamanville. Fallait pas, têtes de nœuds.
En 1973, Anger participe à la naissance du Comité contre la pollution atomique dans la Hague, puis, en 1975, à celle, plus décisive, du Comité régional d’information et de lutte antinucléaire, le Crilan.
Rude boulot : il faut se cogner tout à la fois les flics, l’armée, l’État, les élus, presque tous à la botte.
En 1977, EDF annonce sa volonté de passer aux actes et de poser la première pierre de la centrale de Flamanville. Anger : « Comment peut-on croire à la démocratie quand, à l’enquête publique, plus de 8 000 personnes disent non à un projet de centrale nucléaire et qu’on écoute les 200 (à peine !) qui se prononcent favorablement ? » Réponse du même Anger, qui n’a pas pris une ride : « Il y a un gang du nucléaire en France. »
Donc, se battre. Le Crilan saute sur toutes les occasions. Une première manif — 5 000 personnes — à Flamanville dès 1975. Une autre de 10 000 personnes à la Hague en 1976. L’occupation du chantier de Flamanville tout au long de février 1977, le blocage de rues et de voies ferrées à Cherbourg, puis l’occupation de grues dans le port, l’arrêt de trains de déchets, etc.
Certains militants seront inculpés — on ne disait pas encore mis en examen — plus de dix fois. Ça maintient la forme.
De cette vaste bataille perdue Anger tire la conclusion qu’il faut faire de la politique. C’est un point de vue. Anger se présente aux législatives de 1978, où il obtient le meilleur score des écolos en France: 12,7 %. De plus en plus actif dans les milieux de l’écologie politique, il est en 1984 l’un des fondateurs des Verts au cours d’une assemblée générale tenue à Clichy.
Tête de liste aux européennes de 1984, conseiller régional dès 1986, il se rapproche alors — nul n’est parfait — des socialos. La vérité commande de dire que Paulette Anger, son épouse, en a elle-même fait des tonnes. Mais il faudrait un second portrait. »