L’incident nucléaire survenu sur un site du CEA à Cadarache (Bouches-du-Rhône) a été classé au niveau 2 de l'échelle Ines (qui mesure la gravité des événements nucléaires) par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui a ordonné l'arrêt des travaux sur cette installation en cours de démantèlement.
« C’est tout simplement hallucinant » a déclaré Greenpeace France.
« Il s'agit d'une des situations les plus graves et les plus critiques que l'on ait pu rencontrer dans une installation nucléaire depuis longtemps »
« Il est quand même incroyable que la comptabilité du plutonium qui devrait se faire en grammes - or, là, on parle quand même de l'équivalent de cinq bombes nucléaires - on ne soit pas capable de la faire à la dizaine de kg près, c'est hallucinant », a déclaré à l'AFP Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire au sein de l'association écologiste.
Créé en 1964, l’atelier de technologie du plutonium, baptisée ATPu a eu pour activité principale la production de combustible MOX pour les réacteurs nucléaires. Son activité industrielle a été arrêtée en 2003 et elle était en cours de démantèlement depuis mars 2009.
La semaine passée, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) avait indiqué avoir signalé à l'ASN un incident constaté lors d'opérations d'assainissement. Le CEA affirmait avoir repéré des dépôts de plutonium supérieurs à ses prévisions, lors du démantèlement de boîtes à gants, enceintes étanches permettant d'accéder de façon sécurisée à des zones contenant de la matière nucléaire. Trois jours après le signalement par le CEA, une inspection de l'installation a eu lieu le 9 octobre. Or, celle-ci "a permis de confirmer que le CEA avait connaissance de l'incident depuis le mois de juin 2009", selon l'ASN.
« L'incident n'a eu aucune conséquence », assure l'ASN, mais la « sous-estimation de la quantité de plutonium avait conduit à réduire fortement les marges de sécurité destinées à éviter un accident de criticité dont les conséquences potentielles pour les travailleurs peuvent être importantes ». Le risque de « criticité » est celui d'une réaction nucléaire en chaîne quand trop de matière fissile est rassemblée au même endroit. L'ASN considère que « l'absence de détection de cette sous-estimation pendant la période d'exploitation de l'installation, ainsi que la déclaration tardive de cet événement à l'ASN, révèlent une lacune dans la culture de sûreté de l'exploitant et de l'opérateur industriel de l'installation ». L'ASN souligne que les dépôts « évalués à environ 8 kg pendant la période d'exploitation de l'installation » étaient en fait "de l'ordre de 22 kg et le CEA estime que la quantité totale pourrait s'élever à près de 39 kg".
« Ce délai (de 4 mois ! ndlr) est tout à fait inacceptable », a commenté Laurent Kueny, chef de la division de Marseille de l'ASN qui pointe par ailleurs un « problème de méconnaissance partielle » des données concernant les quantités de matière présente.
Le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, a estimé à la suite de la position de l'ASN que « l’exigence de transparence doit être absolue en matière de sûreté nucléaire » et « regrette profondément qu’un tel délai se soit écoulé entre la découverte de cette situation et sa déclaration ».
Greenpeace France qui, répétons-le, estime que la découverte à Cadarache de plusieurs kilos de plutonium ayant échappé à tout inventaire constitue une des situations les plus graves et les plus critiques que l'on ait pu rencontrer dans une installation nucléaire depuis longtemps, s’interroge :
« Uranium de retraitement abandonné en Russie, kilos de plutonium oubliés à Cadarache: comment l'industrie nucléaire ose-t-elle prétendre qu'elle gère ses déchets ? »
Pierre Mathon d’après AFP et AP