Nous publions ci-dessous l’éditorial que Noël Mamère a écrit pour son blog, consacré au plan de relance de Nicolas Sarkozy :
« Un Plan de relance à courte vue
Edito du 8 décembre 2008
Le plan de relance présenté par Nicolas Sarkozy le 4 décembre à Douai était à l’image du climat de cette ville sinistrée par la crise. La morosité régnait sur l’assistance entourée de cars de CRS qui protégeaient un président annonçant triomphalement quelques mesurettes en trompe l’œil : 0,7 % du PIB par an ! Comme toujours, l’hyper-président a joué l’affichage pour emballer une série de mesures hors-sol, comparées à l’ampleur de la crise. Les sonneries de trompettes sur un Plan « ambitieux, audacieux et imaginatif » cachent mal la réalité d’un rattrapage des budgets 2009 de l’Etat et de la Sécurité sociale, discutés au Parlement alors qu’ils avaient été élaborés avant le tsunami de la crise financière. Le budget de rigueur n’aurait plus de sens, il fallait le corriger. Nicolas Sarkozy a donc présenté un correctif budgétaire, tout en nous faisant miroiter une sorte de New Deal. Mais il n’est ni Roosevelt ni Barack Obama... Et n’en a pas les moyens.
Finalement, ce fameux « plan » se résume au remboursement de dettes de l’Etat aux entreprises, pour 11,5 milliards d’euros, à la remise en état des lignes ferroviaires, alors que dans le même temps on ferme chaque mois des gares et des lignes régionales, à des travaux d’équipement présentés comme de grands travaux, à une prime à la casse pour relancer la vente de voitures sans contrepartie d’engagements de cette industrie pour le développement de véhicules non polluants. Quant à la construction de logements sociaux, dont chaque année on annonce le nombre sans en voir la réalité, elle est en deçà de ce que l’on était en droit d’attendre d’un plan d’aide au logement conséquent, à l’heure où des sans-abri meurent de froid tous les jours.
Bref, on a changé le pansement de l’économie française en se refusant toujours à penser le changement du modèle de développement. Rien sur la reconversion de secteurs sinistrés de l’économie. Rien sur les économies d’énergie, rien sur les transports en commun dans les grandes villes, rien sur la relance des services publics de proximité et, surtout, rien sur les mesures sociales... Ce ne sont pas les 200 euros de « prime de solidarité active » qui permettront aux ménages de boucler les fins de mois... Même Georges Bush a consenti à une aide de 900 euros aux plus démunis. La vérité est que le gouvernement est pris au piège de ses contradictions. Depuis le début, il annonce sans cesse des mesures d’austérité visant à supprimer des emplois dans la fonction publique là où il faudrait plus d’infirmières, plus de professeurs, plus de juges, plus de travailleurs sociaux, plus de postiers ; depuis le début il démantèle le Code du travail et augmente la précarité, là où il faudrait assurer une sécurité professionnelle pour chacun ; depuis le début, il ferme les écoles, les maternités, les crèches, les postes, là où il faudrait repenser l’aménagement du territoire contre le désert français ; depuis le début, il repousse sans cesse le financement de son « plan banlieue » là où il faudrait désenclaver, rebâtir, réhabiliter, rénover, réimplanter des emplois de proximité ; depuis le début, il s’attaque aux crédits des associations et des entreprises de l’économie sociale, là où réside un gisement d’emplois permettant de créer du lien social.
Les Français ont bien noté la contradiction entre cette politique de rigueur dont ils sont les premières victimes et les sommes énormes affichées pour venir en aide au secteur bancaire. D’un côté, 26 milliards dont la plus grande partie accordée à des aides aux entreprises et, de l’autre, 320 milliards de garanties pour les banques, plus 40 milliards pour leur recapitalisation. D’un côté, des clopinettes pour les chômeurs et les salariés, de l’autre le tonneau des danaïdes pour les patrons. Ce choix de société correspond assurément aux besoins des amis de Sarkozy mais laisse sur le carreau des millions de travailleurs pauvres, de précaires et de pauvres qui vont eux subir la dureté de la récession annoncée en 2009. Alors que nous venons de repasser la barre des 2 millions de chômeurs et que le chômage partiel s’étend dans toutes les branches, c’est une autre logique économique qu’il faut imposer, un autre plan, qui réponde aux besoins sociaux et écologiques et non à ceux des capitalistes qui ne cherchent qu’à socialiser les pertes et à privatiser les bénéfices. Il en va de même de l’économie comme du Grenelle de l’Environnement. Parmi les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy, très peu sont liées à la transformation écologique des modes de consommation et de production. Comme cela avait été le cas, à la fin de l’été, lors des débats sur le bonus malus écologique et les écotaxes, malgré tout le bla-bla sur la « croissance verte », on attendra encore longtemps les mesures réelles sur les énergies renouvelables, l’habitat ou les transports. Enfin, et, ce n’est pas la moindre des critiques, alors que la France préside encore pour un mois l’Union européenne, rien n’a été fait pour coordonner un plan de relance, à l’échelle européenne, autour d’une politique cohérente et concertée de transformation écologique. Alors que l’on discute de la relance du protocole de Kyoto, à l’initiative de la France, l’Europe aurait pu jeter les bases d’un « New Green Deal » pour prévenir le réchauffement climatique et construire les bases d’une économie verte de demain. Sarkozy est décidément le fils caché de Dalida : « paroles, paroles, paroles... ».
Noël Mamère, 8 Décembre 2008.
P.S. 1 : Le pire n’est jamais sûr... même en politique. Les Verts ont réussi leur pari. Lille a été à l’opposé de Reims. Ils ont élu leur direction à 71 %, confirmant Cécile Duflot à leur tête, renforçant ainsi la dynamique de rassemblement de l’écologie politique initiée par le rassemblement des écologistes autour de Dany, José, Eva, Antoine, et les amis de Nicolas Hulot. C’est bien parti. Et maintenant, au boulot !
P.S. 2 : Je me trouve en première ligne de la bataille pour la télé publique qui se déroule au Parlement. Le verrouillage de l’audiovisuel public au profit du privé, par le mandataire de la mafia des Bouygues, Lagardère, Bolloré and co, doit être dénoncé comme le premier étage de l’accaparement et de la confiscation de la première des libertés, celle de la presse et de l’expression. Le Sarko-Berlusconisme doit être stoppé net. J’en appelle à tous ceux qui veulent défendre cette liberté fondamentale à se réunir pour défendre le pluralisme et les libertés contre l’hyper-présidence. Et à venir nous rejoindre, lundi 15 décembre, à partir de 19h, au théâtre du Rond-Point, à Paris, pour débattre de la liberté de la presse dans le cadre de « l’Appel de la colline », lancé par Médiapart et Reporters Sans frontières.
P.S. 3 : Un amendement qui fera date. Chacun a droit à son quart d’heure de gloire, disait Andy Wharol. Les parlementaires aussi. Le sénateur Marini restera dans l’histoire pour avoir proposé de solder les pertes des boursicoteurs. Reconnaissons-lui un certain courage. Il fallait oser proposer cette mesure au moment même où des gens sont en train de crever de froid dans la rue faute de logements décents et parce que des immeubles de ces mêmes boursicoteurs sont vides, attendant le moment le plus propice pour spéculer. Monsieur Marini pourrait gagner le prix de l’humour noir en politique. Mais qu’il soit rejoint par le président du groupe UMP à l’Assemblée, M. Jean-François Copé, qui veut devenir Calife à la place du Calife, paraît-il en 2017, est encore plus stupéfiant. Ce dernier trouve l’idée de M. Marini « intéressante ». Dans quel monde vivons-nous. ? »