Il est de « tradition » à Bagnolet, comme dans d’autres communes PC de célébrer le 18 juin non seulement l’appel du 18 juin lancé de Londres par le Général De Gaulle mais aussi l’appel du 10 juillet lancé par le Parti Communiste Français et signé par Jacques Duclos et Maurice Thorez.
Nous reviendrons sur ces appels ultérieurement, car nous souhaitons mettre en avant aujourd’hui l’appel que Charles Tillon a lancé le 17 juin de Gradignan.
Voici l’appel de Charles Tillon
« Les gouvernements bourgeois ont livré à Hitler et à Mussolini : l’Espagne, l’Autriche, l’Albanie et la Tchécoslovaquie... Et maintenant, ils livrent la France.
Ils ont tout trahi.
Après avoir livré les armées du Nord et de l’Est, après avoir livré Paris, ses usines, ses ouvriers, ils jugent pouvoir, avec le concours de Hitler, livrer le pays entier au fascisme.
Mais le peuple français ne veut pas de la misère de l’esclavage du fascisme.
Pas plus qu’il n’a voulu de la guerre des capitalistes.
Il est le nombre : uni, il sera la force.
Pour l’arrestation immédiate des traîtres
Pour un gouvernement populaire s’appuyant sur les masses, libérant les travailleurs, établissant la légalité du parti communiste, luttant contre le fascisme hitlérien et les 200 familles, s’entendant avec l’URSS pour une paix équitable, luttant pour l’indépendance nationale et prenant des mesures contre les organisations fascistes.
Peuple des usines, des champs, des magasins, des bureaux, commerçants, artisans et intellectuels, soldats, marins, aviateurs encore sous les armes, UNISSEZ VOUS DANS L’ACTION !
Gradignan le 17 juin 1940 »
Il suffit de lire l’appel de Charles Tillon pour constater qu’il s’agit là –et sans ambigüité- d’un authentique appel à la résistance contre l’Allemagne nazie et la collaboration.
On trouve l’attachement à l’URSS, mais, en revanche, et c’est étonnant, aucune mention du pacte germano-soviétique. Certes la formule « la guerre des capitalistes » fait l’impasse sur la grande différence qui existe entre ce que l’on appelait les « démocraties bourgeoises » capitalistes et les pays fascistes également capitalistes, mais nous sommes en 1940 et Charles Tillon est communiste.
Nous verrons à sa lecture que l’appel communiste « officiel » du 10 juillet, est très loin du contenu résistant de cet appel « officieux » de Charles Tillon.
Quelques éléments de la biographie politique de Charles Tillon :
Ajusteur à l'arsenal avant la guerre, il est matelot mécanicien à bord du croiseur « Le Guichen » en 1916. Meneur d'une mutinerie, il est condamné à cinq ans de bagne (Vendée, puis Maroc) en 1919.
Après la guerre, il devient ajusteur dans un atelier et il adhère au Parti communiste. Permanent à la CGTU dès 1924 (élu au bureau confédéral en 1931), il participe à la grève des pêcheurs et des sardinières « Penn-Sardins » à Douarnenez. Entre 1924 et 1935, il est condamné à plusieurs peines de prison (grèves, outrages à commissaires).
Sa carrière politique décolle à partir de 1932 quand il est élu au Comité central du PC et suppléant au Bureau politique, puis député d'Aubervilliers en 1936.
1939 : En mission politico-humanitaire à Alicante pour tenter de rapatrier les derniers combattants républicains.
1940 : 17 juin - Rédige un Tract d'Appel à la Résistance au fascisme hitlérien.
1941 : Il crée le journal France d'abord (première édition en septembre). Constitution du Comité Militaire National (CMN) point de départ à la naissance des Francs Tireurs et Partisans (FTP).
1942 : Installation du CMN à Palaiseau et Limours.
1944 : 10 août - Le CMN des FTP lance un appel au soulèvement de Paris.
1944-47 : Réélu Député d'Aubervilliers - Maire d'Aubervilliers - Après la libération de Paris il est successivement Ministre de l'air, de l'armement et de la reconstruction.
1947-52 : Création de l'Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance (ANACR) - Fondation du « Mouvement de la Paix ».
1952-53 : Début du procès Marty-Tillon au PC : tous deux scandaleusement remis à la base.
1953-68 : Reconstruit dans les Alpes : sa maison, sa famille - Écrit plusieurs livres.
1968 : Les Printemps de Paris et de Prague l'obligent à retourner au combat avec d'importantes personnalités.
Signature du « Manifeste contre la normalisation en Tchécoslovaquie ». Création d'un nouveau « Secours Rouge ».
1970 : Le 3 juillet il signe avec Garaudy, Pronteau et Kriegel-Valrimont un Manifeste : « Il n'est plus possible de se taire » et est exclu du Parti communiste.
1975 : Il se retire à la Bouëxière en Bretagne.
1993 : Décès.
Cet article n’est que le premier volet consacré aux appels à la résistance : deux autres suivront sur l’appel du 18 juin, puis sur l’appel du 10 juillet.
Selon la formule d’un historien romain qui vivait au 1er siècle avant Jésus Christ : « Tant qu'un peuple est dépouillé de sa mémoire volée et maintenu par volonté politique dans l'ignorance entretenue de son histoire il demeure dans le statut caché d'un prisonnier sans avenir ».
Pierre Mathon