Nous publions ci-dessous un article de Benoit Hasse paru le 11 Mai 2016 dans Le Parisien.FR :
« Pesticides : en Ile-de-France, personne n’est à l’abri
Pour les Franciliens, c’est un peu la double peine ! Plus exposés que les autres à la pollution atmosphérique liée à la voiture, aux usines, au chauffage… les habitants de la région la plus urbanisée de France ne sont pas à l’abri non plus d’une pollution qu’on attribue pourtant essentiellement aux activités agricoles.
C’est du moins ce qui ressort de la campagne de mesure des pesticides que l’association Airparif a menée durant un an en Ile-de-France. Etat des lieux de ces produits chimiques, potentiellement dangereux pour la santé (lire notre fait du jour).
Villes et campagnes à égalité. L’organisme chargé de la surveillance de la qualité de l’air a traqué la présence de 171 composés (sur le millier de pesticides recensés) en deux points de mesures différents : dans le XVIIIe pour la zone urbaine et à Bois-Herpin (dans le sud de l’Essonne) pour la zone rurale. Et les résultats vont à l’encontre des idées reçues. Les ingénieurs d’Airparif ont relevé la trace de 36 pesticides dans l’air « rural » contre 38 dans le ciel de Paris.
Herbicides, insecticides et fongicides. Cette quasi-égalité devant la pollution s’explique, entre autres, par le statut de « famille nombreuse » des pesticides. Outre les herbicides (que l’on trouve évidemment dans des teneurs plus élevées dans l’Essonne qu’à Paris), il faut en effet compter avec les insecticides ou les antiacariens ou encore avec les fongicides utilisés dans la construction, le secteur du bois, l’entretien des voiries… Autre facteur aggravant : les pesticides, à la fois volatiles et résistants, migrent très facilement. Ce qui peut expliquer la présence de nombreux herbicides dans l’air de Paris qui a pourtant banni (comme 155 autres communes d’Ile-de-France) l’utilisation de produits phytosanitaire dans ses parcs.
Un léger mieux depuis 10 ans. Airparif, qui avait réalisé une étude similaire en 2006, note avec satisfaction que le nombre de pesticides détectés en zone rurale a baissé de 27 % en 10 ans. Les concentrations des polluants dans l’air ont par ailleurs plongé de 70 à 75 % (en ville comme en milieu rural) entre les deux campagnes de mesure. Pas de quoi crier victoire pour autant. D’abord parce que les taux mesurés de métolachlore (un herbicide) ont été multipliés par deux entre 2006 et 2016. Ensuite parce que les capteurs d’Airparif ont « piégé » 15 pesticides qui sont théoriquement interdits de vente et d’utilisation depuis plusieurs années.
Et maintenant, on fait quoi ? La campagne « pesticides » d’Airparif donne une photographie précise de la pollution aux pesticides. Mais elle sera difficile à utiliser. « Les teneurs en pesticides dans l’air ambiant ne sont pas réglementées. Il n’y a aucun seuil d’alerte », rappelle Jean-Félix Bernard, président d’Airparif, en précisant que l’organisme n’a pour l’instant ni les moyens financiers ni les capacités techniques de mesurer en permanence ces polluants si discrets. « Traquer une molécule de pesticide dans l’air, c’est comme chercher un grain de sel
dans une piscine olympique », conclut-il.
La qualité de l’air bientôt affichée sur les smartphones
Pour savoir si l’on respire un air de qualité ou pas, il suffira bientôt de pianoter sur son smartphone. Airparif va en effet lancer d’ici un à deux mois une application qui permettra de connaître en temps réel les niveaux de pollution subis selon le trajet effectué en Ile-de-France.
Baptisée Itiner’Air, elle n’indiquera pas les teneurs en pesticides mais donnera en revanche les taux de pollution au dioxyde d’azote, aux particules fines et à l’ozone sur le parcours renseigné par l’utilisateur. L’enjeu est de taille. Airparif a dressé un bilan « mitigé » de la qualité de l’air en 2015. En dépit d’une légère baisse de la pollution au dioxyde d’azote l’an dernier, l’organisme rappelle que 1,5 million de Franciliens sont exposés à des niveaux de pollution supérieurs aux seuils réglementaire européens »