Ce gouvernement a clairement choisi la FNSEA et ses méthodes, sans avoir de toute façon les moyens dans sa logique productiviste de résoudre la crise agricole, ce qui exigerait une remise en cause du logiciel à l’œuvre depuis de longues années en France et en Europe.
Voici donc ce gouvernement qui fait donner l’assaut à « la ferme des Bouillons » (au moment où j’écris), où près de Rouen et contre un projet immobilier d’Auchan, quelques citoyenNEs tentent de créer une expérience alternative pour une agriculture différente.
Le communiqué de l’association de Protection de la Ferme des Bouillons » :
« Expulsion de la ferme des Bouillons en cours actuellement depuis le petit matin !
Les gardes mobiles entrent dans la ferme et expulsent les occupants qui ont fait vivre la ferme des Bouillons ! Nous résistons de manière non violente comme nous l'avons toujours fait et exprimé !
Nous vous invitons à venir sur place dès que possible afin d'afficher votre refus de la récupération du projet de l'Association pour la protection de la ferme des Bouillons qui a fait vivre la ferme pendant deux ans et demi et a un projet agricole travaillé collectivement de maraîchage biologique... !
Merci de relayer le plus largement autour de vous et de venir à la ferme dès que possible !
Nous reviendrons occuper la ferme pour faire entendre notre voix et faire respecter l'engagement de tous nos adhérents et sympathisants qui nous soutiennent nombreux/ses depuis plusieurs mois et années !
On reste ferme(s) !
Association pour la protection de la ferme des Bouillons » »
Et, pour mieux comprendre, nous publions l’article paru ce 31 juillet par Reporterre :
« En Normandie, le projet novateur de la Ferme des Bouillons de nouveau en danger
Association de Protection de la Ferme des Bouillons
Avec le reclassement du site en Zone Naturelle Protégée et la fin du permis de démolir détenu par la société Immochan, la Ferme des Bouillons, près de Rouen, semblait sauvée du béton. Et ses occupants avaient bon espoir d’en faire un lieu citoyen et collectif alliant agriculture biologique et éducation populaire. Mais une société sortie du chapeau serait en mesure de racheter le site. Le préfet doit décider d’une éventuelle préemption.
Ça bouge aux Bouillons. Il y a un an, avec le reclassement du site en Zone Naturelle Protégée et la fin du permis de démolir détenu par la société Immochan, la vocation agricole de la ferme était confirmée et légitimée. Une première victoire pour l’Association de Protection de la Ferme des Bouillons, mais pas la fin du combat : restait, selon nous, à garantir que la ferme sauvée du béton serait le support d’activités durables et généreuses, articulées dans une logique de bien commun.
Les membres de l’association ont alors orienté leurs travaux dans deux directions : rachat collectif et citoyen du site, avec le soutien du mouvement Terre de Liens, et rédaction démocratique d’un projet global pour la ferme, alliant agriculture biologique, circuits courts, formation, éducation populaire et culture, dans la droite ligne de ce qui avait été entrepris dès les premiers jours de l’occupation. Ce projet a été rendu public au printemps 2015, avec des porteurs de projets identifiés. Dernier obstacle à sa concrétisation : la propriété du site, toujours aux mains du groupe Auchan.
Une SCI sortie du chapeau
Le 24 juillet 2015, nous apprenons que la ferme fait l’objet d’un compromis de vente entre la société Immochan et une Société civile immobilière (SCI), dont nous ne connaissons pas à ce jour l’identité. Résolus à ne pas laisser partir la ferme entre n’importe quelles mains, nous engageons avec la Confédération paysanne et Terre de liens Normandie la seule démarche qui nous est permise : saisir la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), arbitre des transactions en matière de foncier agricole. Enjeu : obtenir de la SAFER qu’elle use de son droit de préemption, pour étudier dans la transparence tous les projets qui se porteraient sur la ferme, y compris le nôtre.
La SAFER disposant de deux mois après signature du compromis de vente pour préempter, et celui-ci ayant été signé le 2 juillet, l’instruction d’une demande de préemption doit se faire dans le courant du mois d’août. Il y a donc urgence à agir. À l’occasion d’une première prise de contact, la SAFER nous informe qu’une demande de préemption sur ce dossier serait difficilement envisageable. Après un appel à un rassemblement de protestation, et au vu des arguments présentés, la SAFER accorde finalement un rendez-vous, ce mercredi 29 juillet, à Terre de liens, la Confédération paysanne et Romain, maraîcher et porteur d’une partie du projet agricole défendu par l’association.
De ce rendez-vous, deux éléments ressortent :
1) la SAFER veut l’aval de la Direction régionale à l’agriculture, l’alimentation et la
forêt (DRAAF), et donc in fine du préfet, pour exercer son droit de préemption ;
2) elle ne voit pas pourquoi préempter, le projet porté par la SCI étant un projet d’installation en permaculture, avec potager pédagogique et point de vente. Un excellent projet, en effet : c’est presque le nôtre !
Qu’est-ce qui nous chagrine, alors ?
Absence de contrôle
Le point central de notre refus du projet porté par ce nouvel acteur sorti du chapeau au cœur de l’été, c’est l’absence de contrôle sur le fonctionnement opaque de ce type de société. En effet, en cas de revente partielle - même à 99 % - des parts de la SCI, la SAFER et plus largement la collectivité n’auraient plus légalement de regard sur les activités développées sur le site par les nouveaux propriétaires : fini alors le maraîchage bio ? Tout l’inverse de la responsabilité collective que nous cherchons à mettre en place depuis un an avec Terre de Liens.
La situation de Romain, l’un de nos porteurs de projet en maraîchage, nous semble également relever de la plus grande urgence, et de ce fait devoir bénéficier d’un examen attentif de sa candidature. Maraîcher en agriculture biologique depuis six ans sur des terrains loués de manière précaire, inséré dans des réseaux de distribution en circuits courts, ce père de famille sera sans terre, et donc sans revenu, dans quatre mois. Cette situation dramatique illustre la difficulté pour les jeunes maraîchers de trouver des terres pour s’installer durablement, ainsi que la pertinence de notre combat pour la préservation des terres agricoles périurbaines et l’installation d’une nouvelle génération de paysans.
Plus largement, nous avons la conviction que notre projet, élaboré dans la concertation, enrichi par les apports de milliers de sympathisants venus nous rencontrer et par ceux des nombreuses associations et collectifs venus travailler sur la ferme, correspond aux attentes, aux aspirations des hommes et des femmes de la métropole et bien au-delà. Exemplaire du point de vue citoyen, il promeut un modèle social, solidaire et responsabilisant, aux antipodes d’une activité strictement économique, même bio, s’adressant essentiellement à un public de consommateurs.
Pour que le sort de la ferme puisse faire l’objet d’un arbitrage entre les différents projets qui ont été déposés, les services de l’État doivent donner leur aval à une préemption par la SAFER. Est-il envisageable d’imposer une activité permacole portée par une SCI, mise en place sans concertation et dont la mise en œuvre devra passer par l’évacuation par la force des citoyens qui ont sauvegardé les terres et leur vocation agricole ? Soyons sérieux !
Ensemble, encore une fois, faisons entendre notre voix ; exigeons une procédure démocratique et équitable. Monsieur le préfet, donnez le feu vert à la SAFER ! »
Et cet autre article de « Reporterre », plus joyeux, du 16 juillet 2014 : http://www.reporterre.net/A-la-ferme-des-Bouillons-la-joie.
Pierre Mathon
commenter cet article …