Fabrice Nicolino (qui est sorti de l’hôpital et est parti se reposer quelques jours) a « commis » sur une pleine page du CHARLIE HEBDO de ce mercredi 27 mai 2015 un article sur Castro et son projet démentiel contre le Parc de La Courneuve (l'article est illustré par COCO !) :
« ROLAND CASTRO EST UN ARCHITECTE GRANDIOSE
Ancien maoïste, ancien chéri de Pasqua, Roland Castro l’architecte ravage la banlieue depuis vingt-cinq ans. Sa dernière trouvaille est carrément géniale : il veut construire 24 000 logements autour et dans le plus grand espace semi-naturel de Seine-Saint-Denis (Rappel : les 24 000 logements sont prévus « DANS » le Parc. Si on ajoute ceux qui s’y ajouteraient « autour », ça fait plus. Ndlr). Les prolos iront se faire foutre.
Au championnat du monde des histrions, Roland Castro ne saurait être loin du podium. Ou dessus ? Voilà que ce splendide architecte entend construire des milliers de logements à La Courneuve, sacrifiant au passage une partie du plus beau parc urbain de la Seine-Saint-Denis. Mais, au fait, qui est-il ? Ce pauvre Castro aura, au long des quarante dernières années, serré toutes les mains, pour rester poli. Il a été stalinien avant 1968, puis maoïste pendant et après, quand son chéri d’alors massacrait les Chinois par millions. Lorsqu’on est jeune, on ne compte pas (voir encadré).
Question de bon sens : pourquoi perdre du temps à parler d’un tel matassin ? (« Matassin » signifie : paillasse, bouffon, un personnage ridicule effectuant des danses guerrières. Ndlr) Parce que ce garçon a de sérieuses accointances qui lui permettent de défendre à peu près n’importe quelle idée. Dont celle d’un « Central Park » de la banlieue parisienne. Rien à voir avec le très bel espace new-yorkais fait de prairies, bois et plans d’eau : La Courneuve est une ville martyre de 40 000 habitants poignardée à la fois par l’autoroute A1 et la rocade A86. On y connaît la joie extrême des HLM dégradés, dans la cité des 4 000 est un exemple.
Oui, mais un lieu sauve l’agglutination du désastre intégral : le parc Georges-Valbon. Couvrant la bagatelle de 415 hectares, il est de loin le plus important de Seine-Saint-Denis, département prolo entre tous. On y trouve des oiseaux aussi rares que le blongios nain – un héron -, quantité de mammifères, d’insectes, de plantes. La plus grande partie du parc est d’ailleurs classée Natura 2000, label réservé aux espaces naturels d’exception. Chaque année, deux millions de visiteurs viennent y respirer.
L’immense Castro, tout de même plus malin qu’eux, tente depuis 2008 d’imposer, dans le cadre du « Grand Paris », un projet de 24 000 logements – dans un premier temps – 70 hectares du parc Valbon. Il s’est adjoint les services d’un autre beau personnage, l’ancien trotskiste-lambertiste Marc Rozenblat (voir encadré). Pourquoi parler d’eux aujourd’hui ? Parce que Valls, Premier ministre tout de même, vient d’annoncer une « grande concertation » autour du projet Castro-Rozenblat, qui entrerait dans le cadre d’une Opération d’intérêt national (OIN).
RESPONSABLE MAIS PAS COUPABLE…
Des centaines d’écologistes de Vaujours, d’Aubervilliers, de Pantin, de Stains, de Saint-Denis, de Bagnolet (Les citoyens qui se sont levés ne sont pas tous écolos, loin s’en faut. Mais ce sont des usagers-défenseurs du Parc. Ndlr) sont aussitôt montés sur le pont, et viennent d’enchaîner deux pique-niques sur place parlant mezza voce (lire sur le sujet l’excellent blog lesvertsbagnolet.overblog.com) de zone à défendre à propos du parc, comme la fameuse ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Pour eux, c’est l’évidence : ce parc est essentiel et ne saurait être vendu. Un riverain, interrogé par Le Parisien : Pas un seul mètre carré n’est négociable. »
De son côté, Castro, déguisé en grand philosophe, leur a répondu le 13 mai sur France Inter : « J’ai failli y aller, à leur pique-nique, mais comme je ne suis pas chrétien, je ne me sens pas coupable. Et je n’ai pas à y aller comme un coupable. » Pense-t-il mieux qu’il ne parle ? On le souhaite vivement, car, devant le même micro, il balance : « Mon narcissisme marche avec le public. Je vous signale que je suis populaire dans certaines villes de France que j’ai transformées. » Ou encore, à propos du déjà grand nombre de HLM à La Courneuve : « Vous me fatiguez, vous me faites chier à la fin […] Moi, je peux pas aller en HLM, je gagne trop de fric. D’accord ? »
L’affaire n’est pas encore pliée, car le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, hésite. Bien que socialo, comme les compères de cette fable trash, il tempère à sa manière, quoique : « il faut clore ce débat [celui des pour et des anti] et commencer un nouveau projet, notre projet pour un parc qui doit être respecté, préservé et qui doit être relié à la ville, qui doit entrer dans la ville. » Derrière le charabia, la crainte de voir déferler une énorme gueulante.
Quant au fond du dossier, le dernier mot sera pour Castro : « Je suis sûr que, dans le cadre du « Grand Paris », il faut créer des lieux aussi attractifs que le centre du Paris. » Ce vieux monsieur cacochyme est un poète.
Fabrice Nicolino
Encadré :
DEUX COMPÈRES « CRÉATEURS D’URBANITÉ »
Rions un peu. Castro n’a pas été seulement stalinien, puis maoïste dans l’après-68. Il a aussi été socialiste, probablement épaté par la noble figure morale de Mitterrand. Il a également copiné avec Charles Pasqua, ancien chef du SAC, ami des Balkany et héros bien connu des banlieues dans les Hauts-de-Seine. À la vérité, quel politique n’aura-t-il pas célébré ? À la présidentielle de 1995, il a soutenu Robert « Bob » Hue, candidat du PCF, avant de voter Chirac contre Jospin au second tour. En 2008, Sarkozy lui donne le hochet qui lui permet de blablater sur le « Grand Paris », après quoi, il redevient socialiste. Aucun rapport, on s’en doute, avec l’élection de Hollande en 2012.
Juste un mot sur le « Grand Paris », sur lequel on reviendra longuement. Il s’agit d’une monumentale tentative de remodeler l’Ile-de-France, à coups de grands travaux et de « restructurations » des transports, des emplois et des logements. Comme dans toutes les opérations urbaines récentes, le peuple et les idées utiles ont disparu. Les grands ingénieurs – ceux des villes nouvelles ou leurs fils et filles – décident en compagnie des politiciens et des architectes de cour. Tout doit commencer pour de bon le 1er janvier 2016.
L’associé de Castro dans la grande opération du par Valbon s’appelle donc Marc Rozenblat. Bras droit de Cambadélis – aujourd’hui archiponte du PS – quand ils étaient tous deux membres de l’OCI trotskiste et lambertiste, Rozenblat est passé au PS en 1986. À la fois un homme de l’ombre et du fric, c’est un cas intéressant. Au moment du vaste scandale de la MNEF, voici quinze ans, Rozenblat faisait partie du réseau qui gérait la mutuelle étudiante. Précision importante : il ne sera pas condamné, à la différence d’acteurs de premier plan comme son vieux copain Cambadélis. Sa société d’assurances aura fait au passage de belles affaires, puisque Rozenblat a empoché à l’époque une plus-value de 3,3 millions d’euros (valeur 2014).
Rozenblat est-il un ticket d’entrée dans l’univers plaisant du Parti socialiste ? Il est aujourd’hui le dirlo de la société Constructions et développement urbains (c-du.com) – CDU -, audacieusement présentée sur son site comme « créateur d’urbanité ». Pour ceux qui souhaitent souffrir, ajoutons cette phrase sensationnelle : « Reconnu pour son expertise du montage et du pilotage de projets urbains complexes, CDU invente un accompagnement partenarial inédit permettant d’apporter à tous les acteurs une vision globale et optimisée des projets. » Vu ?
F. N.