On sait que des familles Roms qui occupaient en situation de survie des locaux abandonnés situés 250 bd de la Boissière à Montreuil ont été expulsées cet été.
Il semble qu’après avoir occupé pendant plusieurs semaines le parvis de la mairie, les choses évoluent.
Nous publions ci-dessous le Communiqué de presse du 14 septembre de la mairie de Montreuil, ainsi qu’un autre point de vue :
« Montreuil : Des solutions de relogement pour les familles du 250 boulevard de la Boissière
La mobilisation de tous les acteurs et un travail étroit avec les services de l’Etat ont permis de trouver une issue positive à la situation des familles évacuées du hangar insalubre situé au 250 boulevard de la Boissière à Montreuil.
Aujourd’hui, lors d’une rencontre réunissant à la Mairie de Montreuil, les élus de la majorité, le Sous-Préfet, Directeur de projet campements illicites rattaché à la Préfecture de Région, la DRIHL, le collectif de soutien et l’association Rom Réussite, des propositions de relogement ont été faites aux familles ayant manifesté lors du diagnostic social leur souhait de rentrer dans les dispositifs de droit commun.
Le jour de l’évacuation, un premier travail mené entre les services de la ville de Montreuil et les services de l’Etat avait permis de formuler des premières propositions de relogement aux quatre familles dont les enfants étaient scolarisés à Montreuil. Après le refus par les familles concernées de ces propositions, la mobilisation et la collaboration entre les différents partenaires n’ont pas cessé. Cette nouvelle séquence de travail a tout d’abord permis d’obtenir de l’État que soit réalisé à la fin du mois d’août un diagnostic social des familles. Effectué par l’association ADOMA, ce diagnostic a permis d’évaluer la situation individuelle de chaque famille et de rechercher des solutions de relogement adaptées.
Montreuil salue la collaboration étroite avec la Préfète déléguée à l’Egalité des chances de Seine-Saint-Denis, qui aura permis à l’Etat de trouver une issue positive à la situation de ces familles.
Ces nouvelles propositions marquent la volonté retrouvée de l’Etat d’assumer pleinement les responsabilités qui sont les siennes en matière de relogement et d’hébergement d’urgence.
Pour rappel, jeudi 28 juillet dernier, des familles installées dans des anciens bâtiments industriels à Montreuil avaient été évacuées. Les états des lieux effectués par le SCHS ayant révélé un caractère hautement insalubre des bâtiments occupés depuis 2010. Une procédure d’expulsion avait d’ailleurs été engagée à la fin du précédent mandat. Un incendie survenu sur les lieux en septembre 2015 avait confirmé la dangerosité du site pour ses occupants. Un arrêté municipal d’extrême urgence, demandant aux familles de quitter les lieux, avait alors été pris par la Ville de Montreuil pour risque grave de sécurité. Attaqué, cet arrêté avait été confirmé par le Tribunal Administratif.
Dès le mois d’octobre 2015, les occupants du site avaient été informés par la Municipalité de la nécessité de s’inscrire dans le droit commun, une démarche indispensable pour bénéficier d’un processus d’insertion individualisé. Le CCAS, les services de l’Education, le service du logement se tenant depuis à la disposition des familles pour les accompagner dans leurs démarches respectives.
Ces 5 dernières années, Montreuil s’est engagée dans un processus d’accompagnement de nombreuses familles roms qui a porté ses fruits. 80 d’entre elles ont pu ainsi entrer dans un parcours d’insertion au travers de logements passerelles. Montreuil reste encore fortement mobilisée pour accompagner ces familles vers un logement pérenne.
Face aux dizaines de familles sans abri ni ressource, laissées dans une pauvreté extrême, obligées à des comportements de survie, Montreuil rappelle que ce n’est pas à l’échelle d’une commune que peuvent être trouvées des solutions à la fois humaines et efficaces.
Montreuil demande que le Gouvernement, avec l’aide de tous les financements existants, reprenne l’accompagnement financier des dispositifs d’insertion sur le long terme, et ce dans un juste équilibre territorial.
Seuls des dispositifs à taille humaine de type « village d’insertion » peuvent servir de référence pour imaginer des solutions partagées entre toutes les collectivités du Grand Paris. C’est d’ailleurs le sens des six propositions alternatives à la stratégie de l’Etat que Montreuil, associée à neuf autres collectivités de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et aux côtés des réseaux associatifs, a défendues lors de la conférence régionale sur les bidonvilles en novembre et décembre 2015 sous l’autorité du Préfet de Région.
Contact presse :
Barbara LUX, attachée de presse : 06 80 51 66 26 »
Un article, publié le 19 septembre, par Juliette Keating, dans un blog du Club de Médiapart, espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Donne une version un peu moins euphorique :
« Montreuil. Familles Roms expulsées: impasse et voie de secours
Après plus de cinquante jours d'errance et un hébergement d'urgence voué à l'échec, les familles Roms expulsées de la Boissière se retrouvent de nouveau à la rue. Le collectif de soutien doit repenser son action. Une seule solution : la voie de l'autonomie.
Le premier impératif est de ne pas nuire. Quand des personnes solidaires se rassemblent, révoltées par une situation d'injustice sociale et un déni des droits humains les plus fondamentaux, elles s'engagent sur un chemin plein d'embûches qui peut conduire au rétablissement des lésés dans leurs droits comme il peut mener à l'aggravation des maux de ceux et celles que « les soutiens » veulent aider. La voie est étroite et la vigilance de chacun requise. C'est la sombre leçon que reçoivent aujourd'hui les membres si divers du collectif de soutien des treize familles Roms expulsées du boulevard de la Boissière.
54 jours après leur expulsion sans proposition de relogement, des familles Roms avec des enfants ont encore passé la nuit du dimanche 19 septembre à la rue. Pourtant, à l'issue de cinquante jours de lutte pour exiger leur relogement par la Mairie de Montreuil demandeuse de l'expulsion, après tant d'interpellations des différentes instances concernées (Mairie, Préfecture, Ministère du logement, services sociaux, Défenseur des droits) les familles et les personnes solidaires avaient obtenu le minimum : la réalisation du diagnostic social imposé par la loi, et enfin, des premières propositions d'hébergement d'urgence de quelques nuits, sinon pour toutes les personnes sans abri, du moins pour tous les enfants. La joie fut un déjeuner de soleil : aussitôt que les familles eurent pris connaissance de la situation géographique des nuitées d'hôtels qui leur étaient allouées, la déception et la colère submergèrent l'éphémère soulagement. Dispersées dans toute l'Île-de-France, jusqu'à cent kilomètres, dans des hôtels parfois loin des centres-ville et sans magasin autour pour s'approvisionner, les familles Roms qui vivent dans le plus grand dénuement se sont retrouvées isolées, coupées de leur travail, éloignées de l'école et du collège, dépendantes de la bonne volonté des « soutiens » disposant de voitures pour les véhiculer bon gré mal gré. Brutalement envoyées dans ces hôtels sans s'y être préparées, les familles avaient laissé des affaires, des matelas et des tentes près du théâtre autour duquel elles dormaient depuis plusieurs jours : ces biens ont disparu pendant leur absence, dans la benne du service de la voirie. Circulant par les transports publics, sans moyen de payer les tickets, plusieurs personnes ont écopé d'amendes qu'elles vont devoir payer. L'un des hommes s'étant présenté en retard à son travail sans avoir eu la possibilité de prévenir, a perdu son emploi. Les familles sont plus que jamais désespérées, ont perdu confiance en tous et aussi en elles-mêmes. Le bilan du recours aux voies légales de l'hébergement d'urgence et au « droit commun » que prône la Mairie depuis qu'elle a jeté quarante personnes à la rue, est catastrophique. Le maire aura beau jeu de dénoncer les familles Roms qui « refusent les propositions d'hébergement » et de le faire savoir à une opinion publique facilement crédule puisque mal informée.
Nul ne reprochera à ceux et celles qui ont, avec sincérité, placé leur confiance dans les services de l’État, d'avoir demandé avec insistance le rétablissement des droits pour les familles Roms expulsées, d'avoir jusqu'au bout joué la carte de la légalité. Des recours sont encore possibles, notamment juridiques, à long terme. Mais le jeu était truqué et voué à l'échec. Force est de constater que l'entreprise Adoma, réalisatrice d'un diagnostic social à la va-vite, a systématiquement minimisé ce que les familles ont entrepris pour « s'insérer » sans souci de neutralité vis-à-vis de la Mairie. Force est de reconnaître que les propositions d'hébergement d'urgence n'ont tenu aucun compte de la réalité des conditions de vie des personnes concernées. Ces mesures de « mises à l'abri » ont été, de fait, des mesures d'éloignement des Roms de la ville de Montreuil. Ainsi, persévérer dans la voie d'un processus d'insertion biaisé, qui vise à faire rentrer de force des gens dans des cases administratives rigides, est un non-sens. Culpabiliser les familles, en faisant preuve d'un paternalisme autoritaire, et les admonester pour qu'elles rejoignent des hôtels où elles ne veulent pas aller pour de bonnes raisons, est odieux voire criminel.
Il apparaît aujourd'hui que la seule voie favorable est celle de l'autonomie. Les personnes solidaires doivent agir ensemble pour que les familles Roms expulsées, qui vivent à la rue depuis bien trop longtemps, décident par elles-mêmes, sans pression d'aucune sorte, ce qui leur convient de faire et choisissent pour elles-mêmes. Tous nos efforts doivent aller dans le sens d'une plus grande autonomie des personnes. Les dons récoltés, qui montrent combien la France n'est pas seulement un pays égoïste et replié sur lui-même mais plein de citoyens indignés par le sort que les pouvoirs publics réservent aux populations les plus fragiles, doivent être utilisés dans le sens de l'autonomisation des personnes : fournir à chacune, par exemple, un passe de transports en commun lui permettant de circuler librement dans la commune et dans la région, pour se rendre à l'école, au travail et accomplir ses démarches administratives. Les personnes solidaires ne peuvent plus s'opposer aux familles qui recherchent par elles-mêmes des bâtiments inoccupés, habitables rapidement, mais au contraire les accompagner dans leur occupation de ces lieux de vie, si elles le demandent. C'est ainsi qu'une des familles expulsées de la Boissière, comprenant onze personnes sur trois générations, est en voie de retrouver un toit et la dignité de ceux et celles qui se libèrent des dépendances. Les personnes solidaires doivent entreprendre tout ce qui est possible pour que cette solution de relogement qui convient à la famille réussisse. Disposant d'une adresse fixe, et de la tranquillité d'esprit indispensable pour envisager l'avenir, la famille poursuivra la scolarisation de ses enfants, entreprendra la recherche d'emplois moins précaires et pourra constituer les dossiers administratifs en vue de leur accès aux droits et aux logements sociaux.
Une aide efficace ne peut pas être apportée dans l'aveuglement des présupposés et des conflits d'intérêts, mais nécessite souplesse de jugement, remise en question individuelle et collective, et prise de distance face aux pouvoirs politiques. Faute de ces garde-fous, les « soutiens » deviennent à leur insu les agents dociles de ceux qu'ils croient combattre. Aujourd'hui, l'urgence est accrue d'assurer de notre appui indéfectible les familles Roms qui sont de nouveau à la rue dans une situation des plus terribles. Continuons à les soutenir dans la voie de leur autonomie tant que chacune d'entre elles n'aura pas retrouvé un logement et des conditions de vie dignes. »
Lire :
http://lesvertsbagnolet.over-blog.com/2015/10/appel-a-l-aide-contre-l-expulsion-des-roms-du-250-bd-de-la-boissiere-a-montreuil.html
http://lesvertsbagnolet.over-blog.com/2015/10/roms-montreuillois-de-rom-reussite-menacees-d-expulsion-signez-la-petition.html
http://lesvertsbagnolet.over-blog.com/2016/08/les-roms-expulses-du-boulevard-de-la-boissiere-a-montreuil-toujours-dans-la-rue.html
http://lesvertsbagnolet.over-blog.com/2016/08/montreuil-des-personnalites-se-mobilisent-en-faveur-des-roms-expulses.html
Pierre Mathon