En hommage à notre ami Gérard Dabin, militant Vert, maire-adjoint à l'environnement de Pantin, décédé le 26 novembre, nous publions le texte prononcé par sa collègue verte Aline Archimbaud.
« Chère Annie, Mesdames, Messieurs, Chers camarades, et chers collègues,
Au nom des élu(e)s Vert(e)s de la municipalité, au nom des militants Verts de notre groupe local, et au nom aussi de Dominique Voynet, Sénatrice de Seine Saint Denis, et de Yann Wehrling, Secrétaire National des Verts, je voudrais non seulement vous dire la peine que nous ressentons de la disparition de Gérard Dabin mais le pourquoi de cette peine.
Je le ferai sous une forme qu’il aurait sans doute appréciée lui-même, celle d’un plaidoyer pour l’engagement en général et pour l’engagement écologiste en particulier.
Nous vivons dans une société où il est de bon ton de critiquer les militants, les responsables politiques, les élus : « Tous à la soupe, tous à la combine, tous au business, tous à la manœuvre ! »
Si l’on voulait trouver la preuve que ça ne fonctionne pas comme cela,
Si l’on devait illustrer le dévouement à la chose publique, à travers notamment le temps que consacrent les élus locaux à essayer de faire avancer les problèmes de leur cité,
Si l’on voulait trouver des exemples de ce qu’est la force d’une conviction…
C’est bien dans la façon qu’avait Gérard de vivre la politique après 30 ans d’engagement dont 15 parmi les Verts, qu’il faudrait les trouver.
Gerard Dabin suscitait parfois notre impatience parce qu’il venait troubler plus souvent qu’à son tour les scénarios prévus, le jeu habituel des conventions ou des routines, les mécaniques bien huilées.
Nous avons parfois pesté, nous avons maugréé, mais nous avons à l’arrivée en général essayé d’en tenir compte, parce que nous savions que tant qu’il n’aurait pas eu la réponse à la question qu’il avait posée, il ne la retirerait pas. Et surtout parce que ces questions, c’était au fond celles qu’il fallait se poser pour avancer.
Car des convictions fortes appellent des doutes et des incertitudes : Gérard savait aussi s’interroger, évoluer, reconnaître que, comme les personnes, les situations sont toujours traversées de contradictions et de tensions.
Il arrivait plus souvent qu’il ne le laissait paraître, à cette conclusion que c’est à partir de leur diversité que se construisent les communautés de vie et les entreprises collectives.
Nous n’avions par exemple pas glissé le même bulletin dans l’urne lors de certain referendum de l’an dernier, (il avait dit un « non clair et massif »), mais nous savions que c’était à partir de la même vision d’une Europe sociale, solidaire, ouverte sur le monde.
Et parce que justement elle est ouverte sur le monde, Gerard Dabin, aimait Pantin, sa ville, notre ville et comme chacun d’entre nous, il la voulait plus belle, plus juste socialement, plus « écologiquement soutenable » comme nous disons.
L’écologie est à la mode : il n’y a guère de programmes politiques aujourd’hui qui ne sacrifient au rite du développement durable, quitte à faire l’inverse de ce que l’on dit.
Cela agaçait profondément Gérard, fervent admirateur de René Dumont, qui en appelait avec force et avec raison à la décroissance de notre propre empreinte écologique.
Il avait précisément une façon concrète de voir l’environnement dans cette ville dont il arpentait sans cesse les rues, s’arrêtant pour discuter déchets avec les uns, interpellant les autres sur le stationnement abusif, résistant tant bien que mal à la protestation des autres sur les perturbations liées aux travaux de l’autobus 170.
Cette façon concrète de voir l’écologie, il essayait de la mettre en actes :
Il a posé ici les bases d’un contrôle et d’une économie des consommations énergétiques dans nos bâtiments publics, il a poussé pour que notre ville soit en situation de disposer d’un premier réseau honorable de pistes cyclables, il a milité pour les zones 30 où les mamans et les enfants courent moins le risque de se faire massacrer par la violence routière…
C’est lui qui a veillé à ce que la camionnette blanche recueille les piles au bas de nos immeubles pour empêcher le mercure ou les métaux lourds de souiller nos eaux, c’est lui qui a insisté pour que nous ayons une politique de haute qualité environnementale dans la construction de nos équipements.
C’est lui enfin qui voyait quelque part dans l’élaboration de l’Agenda 21, la mise en cohérence des différents aspects de notre politique municipale.
Tout cela parce qu’il avait la capacité à faire partager sa passion de l’écologie et la certitude que la bataille globale du futur, commence ici et maintenant.
D’autres mots résonnent dans nos mémoires, traçant des projets, construits, débattus, défendus par lui avec enthousiasme pendant des heures : jardins pédagogiques dans les écoles, schéma global d’espaces verts, agrandissement du parc Stalingrad, pour en faire un véritable espace ouvert à la biodiversité.
Angoissé à juste titre par la menace climatique, par la pollution chimique, par la dégradation des sols et de la qualité de l’air, il disait qu’on ne s’en sortirait pas sans s’attaquer aux causes d’un système dont la logique se résume à l’accumulation de toujours plus de capital.
Mais il disait aussi que nous sommes coresponsables et parfois même complices de ce système qui nous prend dans ses filets comme salariés, comme consommateurs, comme usagers.
Il fut à nos côtés dans toutes nos mobilisations, déjà fatigué, il était encore là le 29 juin dernier, lors de la cérémonie de parrainage des enfants pantinois menacés d’expulsion.
Voilà pourquoi, le plus bel hommage que nous puissions rendre à Gérard, c’est de poursuivre, chacun à sa façon, chacun là où il est et quelles que soient ses appartenances et ses fidélités, le combat qu’il a mené.
Nous avons évidemment l’obligation absolue de finir ce qu’il a entrepris pour le mandat et pour la suite, nous devrons faire encore mieux : en somme, nous devons faire comme s’il était là.
D’ailleurs il est là, je l’entends et je le vois protester contre la solennité de mon discours et contre la tristesse qui vous envahit.
Désolée, Gérard, j’ai fait ce que j’ai pu et nous n’avions pas prévu ce qui est en train de nous arriver... »