Le préfet vient d’ordonner l’expulsion du squat de la rue des Sorins (Bas-Montreuil, dans le prolongement de la rue Victor Hugo de Bagnolet) où vivent 300 personnes.
Suivent l’article du Parisien du 27 mai et le communiqué de la ville de Montreuil du 20 mai.
« Menace sur le squat géant
Plus de 300 personnes vivent depuis quatre ans dans des baraquements installés dans une ancienne imprimerie de Montreuil. Le préfet en a ordonné l’expulsion.
JULIEN DUFFÉ
Une centaine de baraquements alignés le long d’un dédale de couloirs, des fils électriques tendus en tous sens et environ 300 occupants, dont une vingtaine d’enfants. Le plus grand squat de Montreuil, et peut-être du département, installé depuis quatre ans dans une ancienne imprimerie au 94, rue des Sorins, vit sans doute ses derniers jours.
La semaine dernière, ses occupants ont reçu une lettre du préfet autorisant le recours à la force publique pour procéder à leur expulsion, conformément à une décision du tribunal saisi par les propriétaires des lieux situés en limite de Bagnolet. Depuis, la résistance s’organise parmi les squatteurs, tous originaires d’Afrique de l’Ouest et aux trois quarts sans papiers. Soutenus depuis peu par l’association Droit au logement, ils ont été reçus vendredi dernier par la mairie, qui s’est à son tour tournée vers la préfecture, réclamant la création d’une cellule de relogement (lire ci-dessous).
Rue des Sorins le 26 mai. Sur la façade de l’ancienne imprimerie, les squatteurs ont déroulé une banderole sur laquelle on peut lire : « La pauvreté n’est pas un délit, mais laisser 300 personnes dans la rue est un crime »
Photo Le Parisien/JD
A l’intérieur de l’imposant bâtiment, Moussa*, grand gaillard au crâne rasé et au bouc soigneusement taillé, explique posément les revendications au nom du collectif : « On demande la tenue d’une table ronde avec la mairie et la préfecture pour trouver une solution durable de relogement collectif et une régularisation pour tous. »
Paradoxalement, mercredi, une bonne nouvelle a redonné aux squatteurs l’espoir de meilleures conditions de vie : l’installation d’une arrivée d’eau par Veolia. « On s’est tous cotisés pour acheter des toilettes, des douches et des lavabos, raconte Moussa. La commande de 2500 € vient d’arriver, mais aujourd’hui ces projets n’ont plus de sens. » Car si les occupants reconnaissent des conditions de vie très précaires, qui ont occasionné un incendie sans gravité l’an dernier, ils démentent les accusations de squat anarchique, voire criminogène. « Nous sommes très organisés, souligne Moussa. Nous procédons à un nettoyage général chaque samedi. Le contact est constant avec la mairie pour enlever les poubelles. Et avant la décision d’expulsion nous avions prévu de créer deux issues de secours pour les occupants du sous-sol. » Lamine*, un jeune Malien, fait visiter le labyrinthe du squat divisé en quatre blocs baptisés A, B, C et D, le coin mosquée, les petites cuisines aménagées au détour des couloirs et sa chambre où trône un grand téléviseur relié au satellite.
Très déterminés, les squatteurs dénoncent de nombreux contrôles de police aux abords du bâtiment depuis une semaine. « Six d’entre nous ont reçu des obligations de quitter le territoire ou des arrêtés de reconduite à la frontière, dénonce Moussa. Non seulement on veut nous faire quitter le bâtiment, mais aussi le territoire français. » En cas d’expulsion, il prévient que le groupe montera un campement de lutte. « On restera ensemble, solidaires, jusqu’à obtenir gain de cause. »
* Les prénoms ont été changés. »
Toujours dans le Parisien d’hier, la ville de Montreuil en appelle à l’État :
« La ville de Montreuil a réclamé le 19 mai au préfet de Seine-Saint-Denis la création en urgence d’une cellule pour reloger les squatteurs de la rue des Sorins, qu’elle estime à 350. « On attend toujours sa réponse à ce jour », explique-t-on au cabinet de la maire, précisant « avoir mis en œuvre toutes les mesures humanitaires possibles » pour leur venir en aide.
« L’hébergement d’urgence, c’est de la responsabilité de l’Etat, souligne la municipalité. On fait déjà beaucoup pour les Roms, la rénovation des foyers de migrants, nous pouvons difficilement faire plus. » Contactée, la préfecture n’a pas souhaité répondre. La ville se dit par ailleurs très préoccupée par les conditions de vie du squat qui abrite 20 enfants dont 6 de moins de 2 ans. « Il n’existe aucune sortie de secours, pas d’extincteur, les branchements sont hors norme : si un incendie éclate en sous-sol, il peut y avoir 40 morts. » De son côté, Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l’association Droit au logement, estime que « la ville doit exprimer son désaccord avec la procédure d’expulsion. Notre position, c’est pas d’expulsion sans relogement ».
Le Parisien »
Le communiqué du 20 mai de la ville de Montreuil :
« Évacuation prononcée du squat de la rue des Sorins : la Ville demande à la Préfecture une cellule d’hébergement et de relogement
La municipalité de Montreuil reçoit aujourd’hui les représentants des occupants du 94, rue des Sorins, inquiets de leur probable expulsion du fait de la décision de justice prononcée suite à la plainte déposée par les propriétaires privés des bâtiments. Elle leur indique partager leur profonde préoccupation.
Elle avait fait connaître auparavant sa position sur ce dossier.
Elle constate d’abord que ce squat ne peut longtemps perdurer tel qu’il existe : malgré l’aide de la ville, les occupants vivaient sans eau, sans sanitaires, avec des installations électriques anarchiques et un immeuble bourré de matériaux inflammables. Après un premier incendie l’an dernier heureusement sans victime, un incendie dramatique est susceptible de survenir à tout moment. Les dangers pour les occupants eux-mêmes ainsi que pour les riverains sont devenus trop importants. Et cela d’autant plus que la surpopulation du squat s’est accentuée suite à l’arrivée de dizaines de mal logés expulsés de Bagnolet, avec une dégradation considérable des conditions de vie dans le squat…
Cependant il est à craindre qu’une fois encore, l’expulsion ait lieu sans solution de relogement, ni suivi du devenir des occupants.
Parmi eux le sort d’une vingtaine d’enfants, dont nous n’avons appris la présence dans le squat que très récemment, est particulièrement préoccupant.
Il serait contraire aux responsabilités de l’Etat, en charge du logement d’urgence, d’évacuer des immeubles sans proposer d’alternative aux personnes évacuées.
Cette façon d’opérer ne pourrait conduire qu’à la reconstitution perpétuelle des squats évacués. C’est pourquoi sur toutes ces questions, la Maire a saisi le 19 mai le Préfet.
Sur le fond du dossier du logement des travailleurs migrants et des populations pauvres, il convient d'observer que la Ville de Montreuil est depuis trois ans, bien au delà de ses compétences, une des communes les plus actives en Île-de-France, avec :
· la mise en chantier d’au moins 1400 logements sociaux nouveaux,
· un programme de rénovation de 800 logements insalubres dans le Bas-Montreuil,
· la solidarité avec 350 Roms dans le cadre d’une MOUS,
· la rénovation de 4 foyers de migrants,
· le projet en cours de reconstruction du foyer dit « du Centenaire » sur un autre terrain,
Mais la prise en charge des populations évacuées des squats dans la ville dépasse très largement les capacités d’action de la Ville.
Seul l’Etat dispose de moyens suffisants pour faire face à des situations d’une telle ampleur.
La municipalité demande donc à la Préfecture d’installer rapidement une cellule de relogement pour définir les solutions d’urgence et assurer le relogement des personnes de la rue des Sorins. »