Comme le dénonçait les manifestantes féministes, ce samedi 17 mars, c’est la loi marocaine qui a tué Amina. Comme en Algérie, au Maroc, en Tunisie, le code civil (de la famille) et pénal sont directement inspirés de la charia.
Une semaine jour pour jour après le suicide d'une adolescente contrainte d'épouser son violeur, plusieurs associations féminines marocaines ont organisé samedi un sit-in devant le parlement pour réclamer la réforme d'une loi discriminatoire envers les femmes.
Aujourd’hui, elles réclament l’abrogation de cette loi ahurissante qui permet aux violeurs de mineures d’échapper à la justice si les parents des jeunes filles victimes du viol acceptent de leur « donner » leur fille en mariage !
« Nous sommes des Amina », « Halte aux violences contre les femmes », « Abrogez la loi » scandaient les militantes et sympathisantes de ces associations des droits de la femme, rassemblées à l'appel de Woman-Shoufouch, un groupe et réseau social anti-harcèlement.
« Amina martyre », « La loi m'a tuer », « Mettons fin au mariage des mineures », pouvait-on lire sur les pancartes tenues par des militantes de plusieurs associations féminines, rassemblées sous la houlette de la Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes.
« Amina et les autres, victimes de l'article 475 du code pénal », lisait-on sur une banderole d'Anaruz, mot berbère qui signifie espoir. Anaruz est un mouvement d'écoute des victimes d'agressions sexuelles qui travaille en coordination avec l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM).
« En 2008, le gouvernement avait déposé un projet, qui est resté lettre morte, pour réclamer la refonte du code pénal en vue de mettre fin à la discrimination et à la violence », a indiqué à l'AFP Houda Bouzil, présidente du bureau de Rabat de l'ADFM.
Le suicide le 10 mars d'Amina Al Filali, 16 ans, contrainte d'épouser l'homme qui l'avait violée, a fait l'effet d'un électrochoc au Maroc où se sont multipliés les appels à la réforme d'une loi qui bénéficie aux violeurs.
« Je ne voulais pas aller avec eux chez le juge pour les marier. Mais ma femme m'y a obligé. Elle m'a dit qu'il fallait le faire pour que les gens arrêtent de se moquer de nous, pour faire taire la honte », a déclaré il y a quelques jours à l'AFP le père de la victime, Lahcen Al Filali, présent à un premier sit-in dans la localité de Larach, près de Tanger (nord) d'où la famille est originaire. La jeune fille, théoriquement la principale intéressée, n’avait pas son mot à dire aux yeux de la loi et des coutumes. On peut imaginer, vu l’issue, qu’elle a dû supplier ses parents ! Mais la pression sociale et la culture misogyne et ainsi dans de nombreuses familles où le poids de la tradition et de la religion est très fort, la perte de la virginité hors du mariage est considérée comme un déshonneur pour la famille. Souvent, des arrangements sont trouvés, avec la contribution de la justice, pour que les filles violées épousent leur agresseur. Le Maroc n'est pas le seul pays du Maghreb dans cette situation.
« Est-ce qu'on peut imaginer qu'un homme qui force une fille à le suivre avec un couteau et qui la viole peut ensuite vouloir l'épouser? », a-t-il demandé.
Ce drame continue de susciter diverses réactions dans le pays, y compris au sein du gouvernement qui a promis un réexamen de la loi.
« C'est la loi, une règle sociale absurde, grotesque, que celle qui veut remédier à un mal, le viol, par un autre encore plus répugnant, les épousailles avec le violeur (...) Qui punissons-nous au final, la victime ou son bourreau ? », écrit le journal Al Sabah (Le matin, indépendant) dans un long éditorial.
Un article du code de la famille prévoit que la décision du juge autorisant le mariage d'un mineur --comme cela a été le cas dans cette affaire --n'est susceptible d'aucun recours.
L'époux de l'adolescente a été entendu par la police, après le suicide de sa femme qui a absorbé de la mort aux rats, et laissé en liberté !
Hélène Zanier