Le chantier du Center Parcs ne reprendra pas de sitôt à Roybon (Isère), sur le plateau de Chambaran. Des défenseurs de la nature s’opposent depuis 2007 à ce futur village vacances de mille cottages alignés dans 200 hectares de forêt, autour d’une bulle à la chaleur tropicale, abritant un centre aquatique aquatique, des commerces et des restaurants. C’est avec un relatif soulagement qu’ils ont pris connaissance des décisions de la cour administrative d’appel de Lyon, vendredi 16 décembre : elle confirme l’illégalité de deux des trois arrêtés préfectoraux qui permettaient la construction du projet immobilier.
Cependant, le promoteur, le groupe Pierre et Vacances, a aussitôt tenu à « réaffirmer sa volonté de poursuivre le projet soutenu par les élus locaux et régionaux, les acteurs socio-économiques et la population » et a fait connaître sa décision de sepourvoir auprès du Conseil d’Etat.
Cette persévérance juridique n’a surpris personne. Pour Pierre et Vacances, qui compte déjà vingt et un Center Parcs en Europe et en a d’autres en préparation en France, un échec à Roybon constituerait un précédent fâcheux. D’autant que le conseil départemental et la région lui ont accordé des subventions pour cette réalisation (respectivement 7 millions et 4,7 millions d’euros).
La cour administrative d’appel de Lyon avait anticipé cette étape devant le Conseil d’Etat en engageant une démarche inhabituelle destinée à conforter ses positions. En effet, après une première audience le 3 novembre devant trois juges, elle a réexaminé l’affaire en plénière lundi 12 décembre, en présence cette fois de sept magistrats. Elle a ainsi entendu à nouveau le rapporteur public – Marc Clément, un expert en droit communautaire –, détailler ses conclusions en s’appuyant sur la loi sur l’eau, ainsi que sur les directives européennes concernées.
76 hectares de zones humides seraient affectés
La Cour a suivi son avis dans deux requêtes sur trois. Elle a d’abord donné raison à l’association Pour les Chambaran sans Center Parcs (PCSCP). Celle-ci s’inquiète des incidences possibles des eaux usées d’un centre aquatique et d’un village vacances capable d’accueillir cinq mille six cents personnes, alors que des étangs, landes, vallons tourbeux humides et ruisseaux à écrevisses classés Natura 2000 se situent à un kilomètre de là. Il aurait fallu une évaluation des risques vis-à-vis de cette zone digne de figurer dans ce réseau européen de sites naturels, ont rappelé les juges.
Deuxième désaveu : le projet de Roybon voudrait s’installer sur un plateau où sourdent plusieurs sources qui alimentent les rivières de la Drôme – les pêcheurs de ce département sont d’ailleurs partie civile. Entre les cottages, les parkings et autres constructions, 76 hectares de zones humides seraient affectés. Malgré l'aide active de l’Office national des forêts, le promoteur a peiné à trouver d’autres zones humides en compensation. Or, il est dans l’obligation d’en apporter le double.
La cour estime que même en prenant en compte la cinquantaine d’hectares supplémentaires suggérée par le promoteur in extremis, le compte n’y est pas. Car l’ensemble des aires recensées, éparpillées dans cinq départements, sont trop éloignées et donc incompatibles avec les dispositions du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône-Méditerranée.
Dernier point mais non des moindres, le rapporteur public n’a pas été suivi sur le troisième arrêté ayant trait à l’autorisation de détruire des espèces protégées. Cette dérogation est délivrée seulement lorsqu’« un intérêt public impératif majeur » est en jeu, a rappelé Marc Clément. Le juriste a estimé que tel n’est pas le cas d’un Center Parcs, nonobstant l’activité économique qu’il peut apporter dans la région. La cour a précisément avancé l’argument inverse au nom des « six cents emplois pérennes » et du millier d’autres qui seraient générés par le chantier. « L’économie prime sur l’environnement, dénonce Stéphane Peron, de l’association PCSCP. La justice française fait une interprétation très particulière de la notion d’intérêt public impératif. S’il le faut, nous nous adresserons à la Cour de justice européenne. » »
Pierre Mathon